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en quelqu’un de ces généraux qui se font un nom sur les champs de bataille de la guerre civile. Aussi, dans ces antagonismes ardens qui se déclarent parfois entre les plus marquans de ces hommes de guerre, si la première place appartient en apparence à un mouvement personnel, à un instinct de rivalité, la politique est au fond, se pliant à toutes les péripéties du drame et prenant la forme d’un combat. Cette lutte des influences militaires, dans ce qu’elle a de supérieur et de décisif à chaque période de la révolution espagnole, peut se résumer en quelques noms, tels que ceux de Cordova, Espartero, Narvaez. Cordova est mort dans l’exil, en 1839, plein de jeunesse encore et dévoré d’amertume. Espartero, après avoir été renversé du sommet où il s’était placé, mène une vie retirée, à demi oubliée, tantôt à Madrid, tantôt à Logroño, où il désirait mourir alcade, comme il disait au temps de sa prospérité, sans soupçonner assurément par quelles voies il y serait ramené. Narvaez reste, depuis 1843, la personnification victorieuse d’une situation vainement attaquée. À quoi tient cette diversité de fortune ? Elle tient sans doute à des causes purement espagnoles, et aussi à des causes qui ne sont pas particulières à la Péninsule, qui lui sont communes avec tous les pays où se reproduit ce même phénomène de l’action incessante des influences militaires. Pour que cette intervention d’un général dans la politique ait quelque chose d’efficace, de légitime et de durable, même en Espagne, surtout en Espagne, dirai-je, il faut plus d’une condition. La valeur militaire est beaucoup, et elle ne suffit pas ; il faut en outre un grand sens politique, cet instinct juste et net qui révèle à un homme où est l’intérêt permanent de son pays au milieu de la confusion des intérêts secondaires. Et ces mérites personnels existant, tout n’est pas dit encore : il faut de plus les circonstances, cette faveur secrète qui fait concourir les événemens à une élévation individuelle, de telle sorte que dans la fortune politique d’un général, quand elle dépasse un certain niveau, il y a nécessairement la part du bonheur. Supprimez l’une de ces conditions, la faveur des circonstances par exemple, vous aurez en Espagne Cordova, le général en chef de l’armée du nord en 1835. Ni la valeur militaire, ni le sens politique ne manquaient à Cordova. Soldat et diplomate à la fois, tenant à l’ancienne monarchie par tradition, à la nouvelle par les lumières de son esprit, très décidé d’opinions, agité d’une légitime ambition de gloire, Cordova réunissait les qualités personnelles les plus nécessaires pour placer, dès l’origine, l’Espagne dans la voie calme et régulière où elle est aujourd’hui ; mais il était venu à la mauvaise heure, à l’heure où s’accomplissait aussi au-delà des Pyrénées l’irrésistible fatalité révolutionnaire. C’est contre cet obstacle qu’il se brisa une première fois, quand la révolte de la Granja fit tomber de sa main l’épée qui avait gagné, à Mendigorria et à Arlaban, les