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semblable à celle de l’Allemagne. Louis IX, Charles V, Louis XI, Louis XIV, se transmettent, avec la couronne, une tradition invariable, et quand la monarchie tombe, la convention, qui tue les rois, défend et continue leur œuvre.

Les enseignemens politiques ne sont point les seuls que nous offrent les introductions placées dans l’Histoire des villes de France en tête de chaque province. On y trouve aussi, sur l’ethnographie, l’origine, les migrations ou le mélange des races, la géographie physique dans ses rapports avec le caractère des peuples, des détails curieux, toujours précis, souvent neufs, et parmi les morceaux de ce genre qui méritent une attention particulière, nous mentionnerons principalement l’introduction générale de la Bretagne par M. A. Guilbert, celle de la Normandie par M. Chéruel, et celle de l’Auvergne par M. Amédée Thierry. Les notices consacrées aux villes, quoique réduites à des proportions souvent restreintes, contiennent cependant tout ce qu’il est important de connaître, parce qu’elles sont dégagées du fatras pédantesque de l’érudition, des dissertations qui ne prouvent rien, et de cet entassement de notes et de citations qui n’est souvent, pour certains écrivains, qu’un moyen détourné de se poser en encyclopédie vivante. Strictement locales, les histoires des villes ne se rattachent à l’histoire générale que par les événemens dont elles ont été le théâtre. Chaque cité est considérée sous ses divers aspects, à toutes les époques de son existence, et de la sorte on peut suivre pas à pas, pour la France entière et par le détail des lieux, l’établissement du christianisme, les origines des villes, la fondation des communes et les épisodes des grandes époques, tels que les invasions barbares, les guerres anglaises, la réforme, la ligue, la fronde, la révolution, les désastres de 1814 et de 1815.

Une seule question, l’une des moins connues de celles que soulève l’Histoire des villes de France, doit nous arrêter ici celle de l’origine de nos cités, que l’érudition moderne n’a point, ce nous semble, suffisamment approfondie.

Ce qui frappe d’abord, quand on aborde ce problème historique, c’est de voir avec quelle facilité l’erreur se propage, avec quelle autorité elle s’impose, comment elle persiste, et ce qu’il faut de temps pour la détruire. Ce nuage fatidique, ces traditions fabuleuses qui entourent le berceau des peuples entourent aussi le berceau de nos villes. Les romans du cycle d’Arthur et d’Alexandre, l’histoire légendaire des migrations troyennes, la mythologie, les souvenirs de Rome et les livres saints inspirent à peu près exclusivement au XVIe siècle, et même dans les premières années du XVIIe l’érudition facile et crédule des annalistes. Ainsi Toul est fondé par Tullus Hostilius, Caen par Cadmus, Noyon par un des fils de Noé, Melun par la déesse égyptienne Io, divinisée sous le nom d’Isis. ; Angers par Ésaü, Bourges par un fils de Neptune, Rouen par Magus, l’un de ces rois fabuleux de la Gaule dont Annius de Viterbe, au XVe siècle, avait cru retrouver la chronologie. La question étymologique était traitée de la même manière ; c’était un cyclope, un monstre qui n’avait qu’un oeil, qui avait donné son nom à la ville de Montreuil, et voici comment on expliquait le nom de Montrésor : on racontait que Gontran, roi d’Orléans, s’étant un jour endormi sur les genoux de son écuyer, avait rêvé qu’il se trouvait dans une grotte remplie de grandes richesses. L’écuyer, lorsqu’il se réveilla, lui dit que pendant son sommeil il avait vu sortir de sa bouche un petit lézard qui s’était dirigé en courant vers le coteau voisin, et qu’après un certain laps de