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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 janvier 1851.

L’empire est fait ! nous a dit, dans la solennité d’un débat mémorable, l’éminent historien de l’empire. Qu’il nous pardonne de ne pas l’en croire ici sur parole et d’en appeler du sombre découragement de sa prophétie aux inspirations moins émues de sa conscience mieux informée, au véritable état de la conscience publique. Non, l’empire n’est pas fait ; il n’est ni fait, ni à faire ; il ne se fera pas. Si, pour nous rassurer contre une perspective qui blesserait trop douloureusement toutes nos idées, si nous n’avions par malheur d’autre réconfort que les miracles de la tribune, que les habiletés des partis, ah ! nous serions plus inquiets. Les partis ont leurs victoires ; mais il arrive trop souvent à leurs victoires des lendemains qui ne leur profitent pas. La tribune aussi a ses heures de fascination toute-puissante et sur l’auditoire et sur l’orateur lui-même ; mais ces heures passent et passent vite, moins vite sans doute pour l’orateur que pour l’auditoire, qu’importe ? puisque tous les deux en sont maintenant à ne plus pouvoir s’abuser sur la distance, chaque jour plus grande, qui sépare les discours des actes. Ce n’est donc ni dans l’éloquence, ni dans la stratégie que nous nous fions beaucoup pour nous préserver du dénoûment dont on menace nos tristes destinées. Nous nous inclinons avec le respect convenable devant les chefs-d’œuvre de stratégie qu’il est permis de discerner sous l’ombre des hautes régions politiques ; nous avons pour l’éloquence cette admiration sympathique que doit inspirer le dernier signe auquel on reconnaisse les gouvernemens libres et les sociétés qui ont été dignes de l’être. Nous estimons pourtant que, si une telle chose que l’empire était à faire, ce ne serait pas tout cela qui l’empêcherait ; nous soutenons que l’empire ne se fera point par cela seul qu’il n’est point faisable ; nous mettons notre meilleure espérance dans cette raison très prosaïque, très vulgaire, dans cette suprême raison de l’impossibilité.