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provoquante par ceux qui venaient du palais. Le maréchal a senti toutes ces tracasseries en homme qui ne s’est jamais piqué d’affecter beaucoup d’égalité d’ame. Les ennemis qu’il avait dans le parlement n’étaient cependant pas de taille à troubler son sang-froid ; les motifs de l’opposition qu’ils dirigeaient, contre lui n’étaient pas des mystères bien respectables. Généraux en sous-ordre, ils avaient l’éternel grief des subalternes contre un chef heureux. L’un ne pouvait encore digérer qu’on lui eût ôté le gouvernement de la Catalogne, quand il y laissait croître de jour en jour les bandes carlistes ; l’autre avait en vain ambitionné la capitainerie de la Havane, où le gouvernement ne voulait plus envoyer personne qui eût à s’enrichir, puisqu’il avait entrepris sérieusement la réforme des abus de l’administration coloniale. C’était encore par exemple le général Serrano qui prétendait au poste d’inspecteur de l’infanterie, prétention que le maréchal se refusait à satisfaire pour ne pas donner au roi don Francisco des déplaisirs sur lesquels il n’est pas besoin de s’étendre. Ces inimitiés, tantôt souterraines, tantôt produites à la tribune, avaient poussé à bout la patience du maréchal. La reine Isabelle a vainement essayé de le retenir ; elle a, dit-on, beaucoup pleuré quand il a pris congé d’elle.

Le ministère que présidait le duc de Valence ayant donné sa démission, il a fallu s’occuper d’un nouveau cabinet. Après des négociations assez courtes, celui-ci s’est reconstitué sous la direction de M. Bravo Murillo, qui s’était séparé, comme nous l’avons dit dans le temps, du cabinet Narvaez, par suite d’un dissentiment relatif à l’économie générale du budget. Le ministère est d’ailleurs pris dans la nuance du parti que le maréchal avait organisé pour la défense des principes de conservation libérale en Espagne. Ce parti restera-t-il debout et maître du terrain sans le chef énergique auquel il doit son ascendant ? L’avenir en décidera, quoique nous inclinions d’avance à supposer qu’il ne se passera pas long-temps sans que la reine Isabelle ait encore recours au bras qui l’a si vaillamment soutenue. En attendant, M. Bravo Murillo a présenté un programme politique qui rappelle, ou à peu près, la tendance générale du ministère qu’il remplace. On croit toutefois que les budgets soumis aux cortès vont être retirés pour subir les modifications que M. Bravo Murillo voulait y apporter dans l’origine. C’était aussi lui qui avait introduit devant les chambres un projet de règlement de la dette espagnole : il s’est maintenant engagé à user de son initiative comme ministre principal pour obtenir des chambres un arrangement décisif qui mette fin aux trop justes plaintes des créanciers de l’Espagne. Ce serait un titre sérieux vis-à-vis de l’Europe pour le cabinet qui vient de se former à Madrid de liquider à l’honneur de son pays une situation si fâcheuse ; ce serait un des plus beaux gages de force et de prospérité qu’il eût trouvés comme autant de legs dans la succession du duc de Valence.

L’incident parlementaire qui a, pendant quelque temps, ému la Belgique, n’avait point ces apparences dramatiques et ne se compliquait point d’intrigues particulières comme celles qui ont caractérisé la crise espagnole. Le cartel adressé par le général Chazal à un représentant n’était qu’un épisode de l’affaire. Les chambres belges ont, à ce qu’il paraît, une police intérieure plus sévère que la nôtre, et se scandalisent plus que nos législateurs de cette sorte d’offense commise contre leur majesté. Le cartel, devenu public, n’a pas eu de