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d’après M. Ingres, se soutient à côté des plus beaux spécimens de l’art qui ornent la première salle du cabinet des estampes à la Bibliothèque. Enfin, dans le genre historique, des planches plus importantes encore, depuis la Vierge aux rochers jusqu’à la Transfiguration de M. Desnoyers, depuis la Galatée de M. Richomme, le Gustave Wasa et le Strafford de M. Henriquel-Dupont jusqu’à la Vierge au chardonneret de M. Achille Martinet, jusqu’au Tu Marcellus eris de M. Pradier, etc., toutes méritent à des titres divers d’être tenues en haute estime., et prouvent suffisamment qu’au XIXe siècle la gravure française n’a perdu ni ses habitudes de prééminence ni le respect de l’art sérieux.

De tous les graveurs dont les débuts datent des dernières années de la restauration, M. Henriquel-Dupont est aujourd’hui le plus connu, et c’est justice. Il a eu cependant, lui aussi, ses heures d’incertitude ; peut-être reconnaîtrait-on dans quelques-unes de ses planches les traces d’une certaine préoccupation de la manière anglaise, certaines velléités d’une orthodoxie douteuse qui, en tout cas, ne se sont jamais résolues en erreurs manifestes, et qui auraient tout au plus abouti à des fautes vénielles, surabondamment rachetées. À supposer que M. Henriquel-Dupont ait été parfois tenté de s’inspirer d’exemples dangereux, il n’a le plus souvent pris conseil que des maîtres véritables et de lui-même, pour se raffermir dans la pratique des vrais principes ; ses œuvres en offrent la preuve, et l’on pourrait la trouver encore dans les travaux de plusieurs de ses élèves, devenus à leur tour des artistes distingués. Le Gustave Wasa, d’après M. Hersent, a révélé depuis long-temps le caractère de ce talent. Tout en conservant à l’ensemble de la scène son aspect calme, M. Henriquel-Dupont a su donner plus de richesse et de limpidité au ton général, plus de finesse à l’expression et au dessin, de la solidité enfin à un style moins ferme qu’ingénieux. Certains détails d’ajustement un peu grêles, certaines formes un peu molles, avaient acquis sous sa main de l’ampleur et de la précision ; interprété pal M. Henriquel-Dupont, le tableau de M. Hersent avait obtenu un succès aussi brillant qu’à l’époque de son apparition : dernier succès qui lui fût réservé, puisqu’aujourd’hui le Gustave Wasa n’existe que dans l’œuvre du graveur[1].

Au moment où M. Henriquel-Dupont venait de faire paraître le Gustave Wasa, M. Delaroche le chargeait de graver son Cromwell. Depuis lors, le célèbre peintre, sûr d’être compris par un artiste en parenté

  1. On se rappelle que, lorsqu’en février 1848 la galerie du Palais-Royal devint la proie d’une borde de dévastateurs, le Gustave Wasa disparut dans cette heure de destruction impie, comme tant d’autres tableaux précieux de Léopold Robert, de M. H. Vernet, de M. Granet, etc…, de M. Granet, mort peu après le cœur ulcéré au souvenir de la révolution pure de tout excès !