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compilations consacré à la science géographique, et qui, créé deux siècles auparavant, fut très goûté des Arabes, si l’on en juge par la multiplicité des ouvrages de cette sorte qu’ils nous ont transmis. Ce sont les dictionnaires de noms de lieux et ceux des dénominations ethniques et locales portées comme un titre distinctif par les hommes célèbres de l’islamisme. De tous ces recueils dont une érudition plus ou moins bien digérée a fait les frais, le plus volumineux est celui de Yacout, Grec de naissance, et auquel le commerce de la librairie qu’il faisait fournit l’occasion d’entreprendre de nombreux voyages et de recueillir les matériaux de son livre.

L’histoire des sciences géographiques, comme celle des sciences astronomiques, nous amène maintenant à l’époque où vécut Aboulféda. L’un des contemporains de cet auteur, qui a le mérite d’avoir agrandi le domaine de la géographie, est Ibn-Bathoutha, né à Tanger vers le commencement du XIVe siècle. Ibn-Bathoutha dirigea ses courses dans toutes les parties du monde connu à cette époque, et, s’il fut inférieur en savoir aux Massoudi et aux Ibn-Haukal, il promena ses regards sur un horizon plus vaste. Il était Berbère d’origine ; mais il fut élevé dans les pratiques religieuses et le genre de vie des Arabes. Sa profession était celle de fakih ou jurisconsulte. Poussé par la passion de voir des pays nouveaux, il quitta le sien en 1325, et partit pour l’Orient. La Perse, l’Arabie, le Zanguebar, l’Asie Mineure, l’empire du Kaptchak, situé au nord de la mer Noire et alors possédé par les descendans de Tchicnguiz-Khan, Constantinople, le Kharizm, la Boukharie, l’Inde, les Maldives, les îles de Ceylan et de Sumatra, la Chine, furent tour à tour le but de ses pérégrinations. Dans l’Inde, à la cour du sultan de Dehli, et aux Maldives, il remplit pendant quelque temps les fonctions de kadhi. Après une absence de plus de vingt ans, il revint dans sa patrie. Le voisinage de l’Espagne l’engagea à visiter la partie méridionale de cette contrée, dont le sol était fécond en glorieux souvenirs pour les musulmans, et où la cour de Grenade était alors dans tout son éclat. Quelque temps après, le souverain de Maroc désirant envoyer une députation au roi de Mali sur les bords du Niger, Ibn-Bathoutha fut choisi pour remplir cette mission. Dans cette excursion, il parcourut une partie de l’intérieur de l’Afrique et pénétra jusqu’à Temboktou. À son retour, il fixa sa résidence à Fez, et, jetant pour toujours le bâton du voyageur, il passa le reste de sa vie dans l’aisance et le repos : il mourut en 1377. Ce fut pendant ses dernières années qu’il s’occupa à mettre en ordre le récit de ses aventures ; mais, comme le Vénitien Marco Polo, son contemporain il confia à une main étrangère le soin de les retracer. Ses dictées furent recueillies par un littérateur de profession nommé Ibn-Djozay Alkalby ; Cette première rédaction fut ensuite abrégée par Mohammed Albaylouny, qui élimina les légendes pieuses et les faits de détail. La narration d’Ibn-Bathoutha est un véritable livre d’impressions de voyages, une suite de causeries où il y a une part pour l’instruction du lecteur et une part aussi pour son amusement.