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la domination qui leur pèse. Si les monts Karpathes avaient pu servir de base d’opérations aux insurgés polonais et hongrois, qui peut assurer que la Pologne et la Hongrie n’auraient pas, avant de succomber, épuisé les forces de la Russie et de l’Autriche ? Nous l’avons éprouvé nous mêmes dans les Cévennes et dans le Bocage : il suffit de quelques partisans résolus pour tenir en échec les destinées de toute une nation.

Dans la guerre de montagne, la partie n’est jamais égale entre les belligérans, comme cela a presque toujours lieu dans la guérie de plaine. Pour l’un, les conditions de cette guerre sont tout entières dans l’organisation des moyens d’attaque ; pour l’autre, elles sont dans l’organisation des moyens de résistance. Épuiser les forces et les ressources de l’agression par le génie de la défensive, telle est la loi du plus faible. Avoir raison des ressources de la résistance par l’emploi bien compris et opportun des forces de l’attaque, telle est la loi du plus fort. Purement défensive pour l’un, la guerre de montagne est essentiellement et impérieusement offensive pour l’autre. Ce n’est point, en effet, à ceux qui s’insurgent de vaincre l’armée qui les envahit ; c’est sur celle ci que pèse exclusivement la nécessité de la victoire. Tant que l’envahi résiste et se, défend, c’est l’envahisseur qui est vaincu. Y a t il plus de génie militaire à vaincre qu’à résister ? Je serais porté à le croire. Dans la guerre de montagne, du moins, c’est l’agresseur qui a contre lui les chances les plus défavorables. N’a t on pas vu les meilleurs généraux de l’Espagne se briser contre la force de résistance de Zumalacarregui dans la guerre de Navarre, et Mina lui-même, le héros de l’indépendance en 1812, perdre dans l’offensive contre les Navarrais la gloire qu’il avait acquise en résistant avec eux à l’invasion de nos armées ? N’a t on pas vu aussi nos généraux, en Afrique, laisser l’Europe douter de la réalité de notre conquête jusqu’au jour où le maréchal Bugeaud trouva contre les Kabyles et les Arabes le système de guerre qui devait avoir raison de leur résistance ?

Comme défensive, la guerre de montagne présente des avantages considérables au chef qui la dirige. C’est d’abord une population complice qui le seconde et l’approvisionne ; c’est la connaissance des lieux qui lui permet tantôt d’éviter l’agresseur en le fatiguant, tantôt de le surprendre dans l’endroit et à l’heure propices, tantôt enfin de le forcer par d’opportunes diversions, à diviser ses troupes pour l’atteindre en détail. C’est ce côté défensif de la guerre de montagne que nous montrent les campagnes de Zumalacarregui.

Comme offensive, au contraire, la guerre de montagne n’offre au général d’armée que peu de gloire à récolter et beaucoup de difficultés à vaincre. D’abord, telle est la nature de l’esprit humain que l’intérêt et les sympathies se portent invariablement du côté de celui qui se