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un refuge auprès de Zumalacarregui, dans les défilés de la Borunda. La déroute de ces vingt mille volontaires frappa de stupeur les provinces insurgées ; mais elle ne fit que confirmer le nouveau chef de l’insurrection navarraise dans le projet qu’il avait arrêté de n’agir qu’avec de petits corps détachés contre les troupes régulières des christinos. Il refusa donc la coopération des fugitifs d’Oñate, leur conseilla de retourner dans leurs districts respectifs et de s’y tenir en armes ; puis, avec ses trois bataillons à peine formés et ses deux compagnies des Guides, il attendit l’arrivée de Saarsfield sur la route de Pampelune.

Le vieux général Saarsfield était le plus habile militaire de toute la Péninsule. Le plan de campagne qu’il avait conçu contre les carlistes inquiétait beaucoup Zumalacarregui ; heureusement pour le chef carliste, il avait été seul à le comprendre. Ce plan consistait à laisser l’insurrection se développer, et à attendre que les insurgés, devenus plus entreprenans par l’inaction même de leurs adversaires, se fussent massés sur un centre d’opérations où l’on pût tomber sur eux et les détruire du premier coup. Ce plan avait déjà réussi contre les insurgés de la Vieille Castille, et venait de réussir également contre les insurgés des provinces basques. Peut-être aurait-il réussi même contre Zumalacarregui, si l’impatience du gouvernement de Madrid et les criailleries des journaux n’eussent forcé Saarsfield à donner sa démission.

Au lieu de disputer le passage du ravin d’Etcharri-Aranaz à Saarsfield, qui s’avançait vers Pampelune, où il devait abandonner le commandement de l’armée à son successeur, le général Valdès, — Zumalacarregui battit en retraite sans combattre. Les christinos se mirent à sa poursuite. C ’est ce qu’il voulait : il lui importait de n’être pas laissé tranquille, afin d’épuiser l’ennemi dans des fatigues vaines ; mais la neige tombait ; le temps était affreux, on était en plein décembre : aussi, malgré la bonne volonté que le chef carliste mit à se faire poursuivre, les christinos perdirent ses traces.

Saarsfield entra à Pampelune ; à peine installé ; il dut en sortir : Zumalacarregui venait de lui être signalé entre Puente-la-Reyna et Estella, à Dicastillo, dans la vallée de la Solaña sur le versant méridional du Montejurra. Alors seulement le vieux général constitutionnel comprit à qui il avait affaire. Zumalacarregui le fatigua pendant trois jours à sa poursuite par des marches et des contre-marches merveilleuses, échappant aux atteintes de son ennemi tout en se tenant constamment à sa portée, reparaissant aux endroits où Saarsfield l’avait cherché la veille, ayant l’air de le poursuivre lui-même lorsqu’il ne cherchait qu’a l’éviter. Cette course de trois jours au cœur de l’hiver dans laquelle les deux généraux avaient lutté d’habileté mit sur le flanc la colonne poursuivante, et l’on calcula que Saarsfield avait fait deux fois plus de mouvemens que son adversaire. Le vieux général, bien édifié sur le