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plus d’héroïsme ne racheta plus de férocité. Ce ne fut qu’un an plus tard que la convention Elliot vint faire reconnaître les droits de la civilisation dans cette guerre de sauvages, et même cette convention tardive ne fut pas toujours observée fidèlement.


III

Nous touchons au moment le plus critique de l’histoire de Zumalacarregui. Le général Rodil, à la tête de l’armée qui venait d’envahir le Portugal et de forcer don Carlos à. chercher un refuge à bord d’un vaisseau anglais, avait pris le commandement des mains de Quesada.

Le traité de la quadruple alliance était mis à exécution. La France et l’Angleterre bloquaient les deux mers pour empêcher toute communication de l’extérieur avec les provinces insurgées, et la division du général Harispe se tenait en observation devant les Pyrénées. Les carlistes, épuises par la lutte ne pouvaient, faute d’armes, équiper de nouveaux bataillons. Ils manquaient même de poudre, à ce point que la prise de quelques caisses de munitions équivalait pour eux au gain d’une bataille. Aussi Zumalacarregui devint-il si ménager, qu’il ne distribuait les cartouches à sa troupe qu’une demi-heure avant l’action, et jamais il n’en donnait plus de dix à chaque volontaire. On est souvent surpris qu’à la suite d’un engagement où les christinos, avaient été mis en déroute, Zumalacarregui ne les ait pas poursuivis : c’est qu’alors les cartouches étaient épuisées. Il a dû bien des fois renoncer à une victoire certaine, parce que les moyens de l’achever lui manquaient. Les carlistes étaient obligés de fabriquer eux mêmes leur poudre, et depuis trois mois ils attendaient le jour où la fonte de leur premier canon serait achevée. La chaussure même leur manquait : le chanvre de leurs sandales s’était bien vite usé durant leurs campagnes d’hiver et leurs courses perpétuelles, et la plupart marchaient pieds nus sur la terre détrempée, afin de conserver leurs chaussures en lambeaux pour les sentiers plus rudes des montagnes.

Lorsque Rodil parut dans la Navarre à la tête de son brillant état-major, où se trouvaient tous les jeunes généraux de l’Espagne, menant avec lui une armée toute fraîche, et déjà mise en haleine par sa facile pagne en Portugal, le découragement s’empara des provinces insurgées. Les christinos traînaient après eux un immense matériel de guerre ; ils avaient garnison dans toutes les villes ; il occupaient toutes les places fortes et tous les marchés Leurs généraux Osma, Espartero et Jauregui dominaient les provinces basques ; Oraa, Lorenzo et Linares tenaient toute la Navarre en échec, de sorte qu’avec les nouveaux contingens qu’il amenait, Rodil allait pouvoir agir à la tête d’une armée de quarante mille hommes, y compris les garnisons. Dans