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ces circonstances désespérées. Zumala voulut montrer qu’il avait foi en lui pour donner aux insurgés foi en eux mêmes. Il fit ce qui avait déjà fait au camp d’Arronitz après la défaite de Santos Ladron, ce qu’il avait fait à Lumbier à l’arrivée de Quesada. Il aborda de front la difficulté ; il exagéra à dessein les forces de l’ennemi et l’exiguïté de ses ressources, puis il dit à ses soldats : « Devant une armée si nombreuse, volontaires perdrez-vous courage ? » Zumala connaissait bien le caractère navarrais : les volontaires, qui auraient peut-être déserté la veille, répondirent non ! non ! d’une commune voix. L’insurrection était ranimée.

Ce fut sur ces entrefaites que don Carlos parut en Navarre après s’être miraculeusement soustrait à la surveillance des Anglais. À coup sûr, Zumalacarregui se fût bien passé de la présence du prétendant, lui qui s’était passé d’une autorisation royale pour s’imposer à l’insurrection. L’arrivée de don Carlos eut pour premier effet d’anéantir le plan d’attaque que Zumalacarregui avait conçu contre Rodil. N’étant pas libre de se soustraire à l’embarras qu’allait causer à l’insurrection la garde d’un prétendant, il songea à tirer parti de cet embarras même : ceci est un des traits les plus étonnans de cette guerre vraiment étrange.

Rodil était un général de grande activité et de résolution prompte : il était aussi très obstiné dans ses résolutions et sans pitié dans l’exécution. Un jour, la garnison qu’il commandait à Callao, dans la guerre du Pérou, étant vivement pressée par les assiégeans, quelques hommes parlèrent de se rendre. Rodil rassembla ses soldats, leur parla de l’extrémité où la place assiégée était réduite, et ajouta : « Que ceux qui sont d’avis de se rendre se détachent ! » Quelques soldats sortirent des rangs : il les mit en ligne d’un côté, puis il commanda le feu aux autres. Les dissidens tombèrent fusillés. Tel était Rodil.

Ayant remarqué que ses prédécesseurs avaient toujours été inquiétés par Zumala sur la route de Pampelune à Vittoria, dans les vallées d’Araquil et.de la Borunda, Rodil fit immédiatement fortifier cette ligne, comme Valdès avait fait fortifier la ligne de Pampelune à Logroño par Estella. Il multiplia les postes et les garnisons sur cette double ligne qui devait fermer aux carlistes d’un côté la Ribera, de l’autre la plaine de Vittoria. C’est dans l’intérieur de ce triangle que se trouvent les Amescoas, centre principal des opérations de Zumalacarregui. Les Amesoas, nous l’avons dit, forment une vallée profonde, encaissée entre deux hautes sierras parallèles d’un côté à la Borunda et à la route de Vittoria, et de l’autre aux vallées de Guezalaz et de Berrueza, dans le district d’Estella. Rodil se proposait d’acculer Zumalacarregui dans les Amescoas ou de l’obliger, s’il en sortait, à se heurter contre les nombreuses garnisons qui circonvenaient le district d’Estlla