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par les deux routes fortifiées de Victoria et de Logroño. Puis Rodil devait opérer avec toutes ses forces contre son adversaire, en coupant derrière lui toute ressource, en lui fermant tout port de refuge. Les villages devaient être incendiés sur son passage, et les populations : rançonnées jusqu’à la disette inclusivement.

Zamalacarregui se trouvait avec le prétendant dans les Amescoas, lorsque les travaux commencés sur la route de Vittoria lui firent voir clair dans les projets de Rodil.. Il résolut donc d’étendre d’autant plus le théâtre de la guerre que ses ennemis voulaient le resserrer. C’était vers le milieu de juillet 1834. Le général carliste prit à partie le prétendant, lui disant que sa présence au milieu de ses partisans serait, à son choix, un embarras ou une ressource : elle serait une ressource, si elle faisait naître chez ses ennemis l’espoir de s’emparer de sa personne. Pour cela, il devait parcourir les provinces avec une faible escorte, afin d’attirer sur lui une partie des forces ennemies. Provoqué dans son courage personnel, don Carlos accéda au plan de son général et consenti à se séparer de lui pour faire diversion. Zumala confia le prétendant à Eraso ; qui avait une parfaite connaissance de ces contrées.

Ce que le général carliste avait prévu arriva. Rodil ne pût résister à cette amorce que son adversaire lui présentait. Il prit avec lui une colonne de douze mille hommes, sitôt que don Carlos lui fut signalé, et se mit à sa poursuite, livrant Zumalacarregui à ses lieutenans. Cette poursuite dura long-temps ; Rodil s’y acharnait d’autant plus vivement que le prétendant paraissait plus près de sa portée. Bien souvent don Carlos fut sur le point d’être pris ; et il ne pouvait dire alors comme Richard : Mon royaume pour un cheval ! car les précipices et les cavernes ignorées devaient être ses seuls refuges.

Pendant que la puissante colonne de Rodil s’épuisait à ce jeu de barres contre la faible escorte du prétendant ; Zumalacarregui mettait le temps à profit. Il devait d’abord se garantir contre les garnisons des villages fortifiés sur les deux routes car il aurait pu s’y heurter à chaque instant en voulant se mettre à l’abri des colonnes mobiles d’Oraa, de Figueras et de Lorenzo, qu’il avait toujours à ses trousses Ce fut alors surtout qu’il utilisa les aduaneros, dont il avait augmenté les bandes : grace à leur secours, les garnisons qui devaient bloquer Zumalacarregui se trouvèrent bloquées par lui. Plusieurs de ces aduaneros se distinguèrent par des prouesses fabuleuses. L’un d’eux, Oroquieta, parvint à bloquer Estella, la plus nombreuse garnison de toute la Navarre, avec quarante hommes seulement ; un autre, le fameux Cordeu le rouge, à la tête de cent hommes, bloqua si bien Araquil et la Boranda, qu’il fallut une colonne de trois mille hommes pour dégager les garnisons de la route de Vittoria. Ce fut alors aussi que Zumala compléta son bataillon des Guides de Navarre, dont il n’avait formé jusque-là