Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/765

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle a cru aux protestations et aux promesses, elle en mourra. Le récit de la folle existence du comte et des souffrances, des humiliations, de l’agonie enfin, de la lente et cruelle agonie de la jeune femme, est un tableau vraiment digne d’éloges. Il y a là de ces émotions profondes, de ces cris du cœur et des entrailles qui rachètent bien des fautes. Comment ne pas être ému, quand la victime, aspirant au repos, après tant de combats intérieurs, après tant de souffrances qui ont épuisé ses forces, sourit avec bonheur à la mort, et s’écrie, en exhalant son dernier soupir : « Ah ! enfin, dans ce monde où je vais, il n’y a ni beauté ni laideur, il n’y a que l’ame toute seule !… » Cette mort a ébranlé quelque temps le cœur de Robert, mais il faut encore une certaine force pour profiter du remède salutaire de la douleur : les distractions banales viennent bientôt l’enlever à lui-même. C’est ici, que le châtiment s’apprête. En visitant un de ses domaines au fond de la Silésie, Robert se lie avec une famille qui habite un château voisin du sien, et qui passe toute l’année dans cette solitude, au milieu des forêts. Il y voit une jeune fille merveilleusement belle qui produit sur son ame une impression profonde, qui semble faire jaillir de son cœur une source inconnue de tendresse, qui transforme et purifie tout son être ; il l’aime comme il n’a jamais aimé. Ce n’est pas la fille de la maison, c’est une orpheline qui ne connaît pas ceux à qui elle doit le jour, et qui, adoptée par un honnête pasteur, a été accueillie ensuite par cette famille dont elle élève les enfans. Robert obtient sa main sans peine. On n’attend, pour célébrer le mariage, que l’autorisation du père adoptif. Pendant ce temps-là, Robert laisse épanouir son ame à ce souffle printanier d’une vie nouvelle ; mille sentimens suaves, mille harmonies mystérieuses chantent dans son cœur. Quel ravissement quand il conduit sa fiancée dans ses terres, quand il parcourt avec elle ce parc, ces grands bois, ce domaine qui sera le sien, quand tous ses fermiers viennent au-devant d’elle, les mains chargées de fleurs, et saluant d’acclamations leur belle maîtresse ! Le lendemain de cette journée enivrante, la lettre du pasteur arrive elle contient un secret terrible : cette enfant qu’une mère mourante lui a confiée, elle est la fille du comte Robert de Wallrode ! Robert devient fou et meurt. Eclairée pourtant par ce châtiment épouvantable, sa raison s’est réveillée un instant avant l’heure suprême ; il a demandé à être enseveli auprès de sa victime, auprès de la comtesse Adèle. Sa fille, victime aussi de ses désordres et instrument involontaire de son supplice, va purifier la honte de sa naissance et relever son ame dans un religieux holocauste ; elle se fera sœur de charité, elle offrira à Dieu, pour racheter son père, toute une vie d’abnégation et de vertus.

Le sujet d’Ottomar est moins net ; bien des épisodes inutiles ou mal liés embrouillent trop souvent la trame du récit ; il est facile pourtant d’y retrouver les inspirations habituelles de Mme de Goehren, son vif sentiment de la dignité morale, sa compassion pour les faibles, son empressement à châtier les crimes qui ne relèvent pas de la loi. Un fat de l’aristocratie viennoise le comte Adolphe de Wartenberg, pour obéir au testament de son oncle, a épousé la fille de la comtesse Linden, une enfant élevée à la campagne dans une atmosphère de simplicité et d’innocence. Cette simplicité, si gracieuse qu’elle soit, charme peu le brillant héros des salons à la mode. La jeune comtesse Alma de Wartenberg est en effet bien dépaysée dans ce monde nouveau, et si elle s’y fait distinguer,