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Voilà précisément la transition des grands Guise aux petits Guise ; après la tragédie, la petite pièce. Mayenne, le chef de la ligue, clot la première série et inaugure la seconde. Pendant un temps presque roi de France et bien réellement le roi de Paris, confiné maintenant dans sa voluptueuse et paisible retraite de Soissons, il substitue à ses orgueilleux travaux l’arrangement non moins laborieux, quoique plus humble, d’une simple question d’étiquette, et termine la vie d’un rebelle par l’obséquiosité d’un courtisan.

Dès ce moment les Guise disparaissent. De tout cet héritage de gloire, le fils du Balafré ne conserva guère que son épée. Il la tourna contre les Espagnols ; qu’il avait trop flattés peut-être pour avoir tout-à-fait bonne grace à les combattre. Comme l’habitude du pouvoir ne se perd pas facilement, forcée de renoncer à l’ambition, cette famille n’avait pas abdiqué l’audace ; elle avait de la peine à se soumettre à la loi. La violence, dont elle s’était fait une habitude, se fit jour, grace au relâchement de l’autorité légitime. Après la mort d’Henri IV, le duc Charles de Guise et le prince de Joinville, son frère, crurent encore retrouver les beaux jours des barricades et de la ligue. Il faut lire dans M. de Bouillé l’assassinat du baron de Lux par le chevalier de Guise, fils posthume du duc Henri ; ce récit est plein de vivacité et d’énergie. Des tentatives de cette espèce ne furent pas suffisamment réprimées. Le chef de la maison de Guise, enhardi par l’impunité, rêva le retour du passé, et se relança éperdument dans les folies de sa jeunesse ; mais Charles avait compté sans Richelieu. À peine s’était-il remis à courir les aventures, qu’il se sentit arrêté par une main de fer qui le saisit et le rejeta en Italie, où ce vieil étourdi, se croyant encore un chef de faction, mourut obscurément sans avoir pu faire lever un seul homme pour sa défense.

Je ne suivrai pas l’historien dans sa rapide énumération des princes lorrains : jusqu’au règne de Louis XIV. Il raconte avec d’intéressans détails cette expédition de Naples où, comme dans tout ce qu’ont fait les Guise, l’imagination, le courage et l’entrain se mêlent à la duplicité, à la ruse, et même, s’il faut le dire, à je ne sais quoi de méprisable et de bas qu’on retrouve dans le cardinal de Lorraine, dans le duc Henri, dans le duc de Mayenne, et dont Claude et François ont été seuls exempts. Sans doute on aime à voir ce brillant paladin, ce soi-disant héritier de la maison d’Anjou, entrant dans Naples pour réclamer la couronne un peu fantastique de ses ancêtres. Lorsqu’on se représente le duc de Guise apparaissant sur cette mer mythologique, dans une galère peinte et dorée, tel qu’un demi-dieu, un argonaute ; toute une population à moitié nue, comme une population antique, accourant à sa rencontre avec des cris de triomphe et de joie ; on cède volontiers à ce séduisant prestige, on s’associe à