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même, mais avec égards, dans un langage qu’elle puisse comprendre, dans des termes qu’elle puisse écouter jusqu’au bout. Il faut ranimer chez elle l’espoir et la soif de la vérité. Sans lui permettre une présomption qui l’a perdue, il faut lui rendre cette confiance en soi-même, dont on peut dire ce qu’Homère pense de la liberté : « qu’est la moitié de la valeur humaine. » Il faut se garder surtout de lui mettre le pied sur la tête pour l’enfoncer plus avant dans la fange du scepticisme. Dans les débats dont la conscience humaine est le théâtre le doute a joué trop long-temps le rôle de ces ennemis communs de la société, que chaque parti va tour à tour appeler à son aide. Voltaire l’invoquait contre la foi, et Lamennais contre la raison. Pour peu que nous continuions quelque temps des coalitions de ce genre, toute vérité humaine ou divine, naturelle ou surnaturelle, aura disparu. Il ne restera plus pierre sur pierre dans le monde de l’intelligence.

Les véritables apologies de la religion sont donc à mon gré, celles qui font un sincère effort pour ouvrir les portes de la raison au lieu de se borner à la battre en brèche. C’est sous ce point de vue principalement que nous apprécions l’ouvrage de M. Nicolas. Nous nous plaisons singulièrement à le voir traiter avec conscience les scrupules et même les préjugés, les droits et même les prétentions de la raison. Nous lui savons gré d’avoir écarté de sa plume le ton acerbe, les solutions hautaines et rapides, l’ironie envenimée, d’avoir, en un mot, aspiré à la paix plus qu’au triomphe ; mais nous l’approuvons également de n’avoir tenté cette paix qu’à des conditions honorables, admissibles en même temps par la foi et par le bon sens, de n’avoir pas cherché à combler l’intervalle qui sépare la foi de la raison soit en relâchant les inflexibles liens de l’autorité religieuse, soit en cherchant à étendre, par des escamotages de parole, la raison au-delà de ses limites naturelle, en manquant par conséquent soit à la dignité chrétienne, soit à la sincérité philosophique.

Tel est, en effet, le double écueil où viennent se heurter les écrivains qui ont tenté sous des formes diverses cet accord désirable de la foi avec la raison. Depuis qu’un grand besoin de paix se fait sentir dans notre société divisée, sans pouvoir, hélas ! réussir à se faire entendre, les plans d’alliance entre les deux plus grandes puissances, de ce monde n’ont pas fait défaut. La philosophie rationaliste surtout, inquiète de sentir la direction des esprits qui lui échappe, épouvantée du cortége grotesque et brutal d’alliés que les systèmes nouveaux lui ont offert, craignant de se trouver, entre les foudres de l’église et les menaces du matérialisme révolutionnaire comme à entre deux feux ; a fait entendre de sincères appels à la conciliation. « .Ce n’est pas trop, s’écriait, dans un des derniers numéros de cette Revue même, l’un des écrivains les plus distingués de l’école éclectique, ce n’est pas trop, pour