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le petit minois crispé de L’évêque d’Agde, et surtout son André Chénier. Pour celui-ci, il n’y avait qu’à copier le portrait, fait à Saint-Lazare même par Suvée, et qui a été dessiné par M. Henriquel-Dupont. Pourquoi chercher une expression aigre, bilieuse et tourmentée, lorsque l’original présentait des plans larges et calmes, une bouche ou la grace repose, et des yeux pleins d’une douceur si triste ? C’est défigurer bien gratuitement un noble modèle. Les femmes de M. Müller sont d’une beauté qu’on ne rencontre guère qu’à de certaines heures et dans certains quartiers ; dans le dessin des têtes et des mains, cette partie si importante, il observe uniformément une élégance de mauvaise compagnie. En somme, les défauts que nous signalions l’année dernière dans sa Lady Macbeth se retrouvent ici tout entiers : rien d’étonnant, on ne se corrige pas de penser d’une façon vulgaire ; on n’apprend pas le goût et la distinction.

Le dernier Banquet des Girondins, de M. Philippoteaux, fait pendant, a u tableau de M. Müller. Cette composition est froide et compassée ; c’est bien ainsi, au reste, que durent poser jusqu’à leur dernière heure ces rhéteurs à l’antique, qui, on l’a dit souvent, n’ont su que parler et bien mourir ; mais n’était ce pas encore là du pastiche ? On mourait très bien à Rome sous Tibère, et tout en 93 était renouvelé des Romains. Un des rares mouvemens spontanés de cette époque, où tant de machinations ténébreuses ont été travesties en élans populaires, c’est celui qui porta les volontaires à la frontière. Il est fâcheux que M. Vinchon nous ait gâté ces Enrôlemens de 1792 en les habillant à la façon de l’Opéra Comique. Quelle appétissante jeunesse aux joues blanches et roses ! Voilà des chérubins qui feront bien des ravages partout où on les conduira. M. Yvon est moins coquet : ses Russes sont rébarbatifs, et ses Tartares incultes. Il n’y a pas à l’en blâmer on voudrait seulement voir un peu plus clair dans l’inextricable fouillis d’armures étranges, de chevaux et de cadavres qui représente la Bataille de Koulikovo. Une seule figure ressort bien du milieu de la mêlée, c’est celle du grand duc Dmitri, monté sur un cheval blanc, et qui serait louable, si elle ne rappelait trop celle de Kléber au combat de Nazareth. M. Yvon possède un beau dessin, mais dans la Bataille de Koulikovo il’ s’est un peu trop défié de son imagination, on y rencontre à chaque pas des ressouvenirs trop vifs d’Eylau et d’Aboukir. Quand M. Yvon en appelle moins à sa mémoire, il sait trouver des attitudes hardies, comme celle de ce guerrier sur le premier plan à droite, qui décharge un si furieux coup de sabre sur un moine.

La Procession de la Ligue, de M.. Alexandre Hesse, aurait elle été commandée pour le musée de Versailles ? Elle porte très marqué l’air de famille de cette collection chronologique. Il y a du style dans le tableau de M. Auguste Hesse, Jacob luttant avec l’ange. Seulement il est