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en robe longue, lisant, assis contre un mur sur lequel grimpe un cep de vigne. M. Vetter n’a pas donné assez de solidité à son mur. L’Etude à la lampe est d’une couleur chaude et large, avec un parti pris d’ombres vigoureuses, et d’un excellent dessin.

Oublierons-nous, parmi les coloristes M, Robert Fleury, dont la peinture fuligineuse et soufrée trouve aussi des contrefacteurs, notamment MM. Aze et Thollot, qui brosse à la suite des robes noires d’inquisiteurs et des robes rouges de cardinaux ? M. Robert Fleury s’applique à donner dès à présent à ses tableaux cette patine que le temps a passée sur ceux des anciens. Il est probable que, lorsque ceux-ci sort aient de l’atelier, ils n’étaient point tels que nous les voyons, jaunis, et saupoudrés d’or ; il y a donc à parier que, pour s’être donne une vieillesse prématurée, les Robert Fleury, dans cent ans, auront tout à fait poussé au noir. M. Robert Fleury a une prédilection particulière pour les costumes vénitiens. Pour satisfaire ce goût, il ne pouvait choisir un meilleur sujet que la réception de l’envoyé de Henri IV par le doge : les longues robes flottantes serrées au collet des sénateurs sont adroitement groupées dans ce tableau, et forment de belles masses de couleur, où la dominante est un rouge sombre. Il y a beaucoup d’air entre ces personnages. M. Fleury n’a t il point exagéré la petitesse des têtes ? N’aurait il pu serrer davantage aussi son dessin ? On aperçoit à peine deux ou trois mains dans cette nombreuse assemblée, et ces mains sont fort peu soignées.

Dans les grandes compositions, il faut encore citer la Jane Shore du même peintre, sujet peu intéressant que l’auteur, n’a pas relevé ; un André Vesale, de M. Blagdon, venant pendant la nuit dérober au gibet un cadavre de supplicié, féroce peinture dans la manière de Caravage ; le Saint Sébastien de M. Tabar, le Massacre des Mameluks de M. Odier, Roméo et Juliette de M. Guermann Bohn, où règne un sentiment de mélancolie exagéré, mais qui ne manque pas de distinction, et particulièrement la Mort d’une Soeur de charité de M. fils, qui se recommande par beaucoup d’onction dans la pensée et une belle couleur.

M. Meissonier ne réussit pas toujours ; des cinq tableaux qu’il a exposés il n’en est qu’un qui justifie suffisamment l’admiration un peu outrée qui s’attache aux productions de son pinceau. C’est le Peintre montrant des dessins, sujet déjà traité par M. Meissonier, qui n’a pas l’habitude de se mettre en grands frais d’imagination. Deux hommes en costume Louis. XV, l’un en habit noir, l’autre gorge de pigeon, sont debout devant un grand carton ouvert. L’homme noir, qui nous tourne le dos, en a tiré un dessin qu’il présente à l’amateur. Celui-ci examine avec une attention admirablement exprimée. La tête est un peu penchée en avant, les yeux clignent légèrement ; la main gauche, par un mouvement machinal très habituel, tourmente la bouche et le