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d’eux-mêmes. Nous ne retrouvons pas par exemple, dans la Vue prise à Saint-Denis, le moelleux accoutumé de M. Flers. M. Thuillier développe les défauts dont sa manière portait le germe ; il devient dur par trop de finesse et de netteté comme dans ses deux Vues de Hollande ; celle prise aux environs de Montoirs est meilleure et d’un faire plus large. Enfin M. Cabat tourne, à la porcelaine, et, à force d’application, il tue le charme et la fraîcheur de ses paysages. La vue en est généralement peu attrayante, et ils manquent de cette saveur rustique qui s’exhale de beaucoup de petites toiles modestes et sans prétentions. M. Cabat arrange trop. Les masses d’arbres qu’il a plantées dans un Bois au bord d’une rivière appartiennent plutôt à un parc qu’à un véritable bois ; le fini des détails et un certain pointillé dans le feuillage et les herbes du terrain engendrent la sécheresse, les eaux sont laiteuses et les ciels savonneux, particulièrement dans la Prairie près de Dieppe. Le premier tableau que je viens de citer est, en somme, celui où l’on retrouve le plus les anciennes qualités de M. Cabat, et où la beauté des masses est soutenue par une exécution solide des détails. Je n’oserais pas avancer que M. Cabat ait recueilli l’héritage de l’ancienne école Bidault, cela regarde mieux M. Hostein, mais il ne serait pas impossible qu’on lui trouvât quelque parente de ce côté.

M. Pron tient ses promesses de l’an dernier ; il a fait les plus grands progrès. Il a la grace naïve et la simplicité de la nouvelle école en même temps qu’une exécution plus finie. On sent une pénétrante fraîcheur dans son tableau du Matin. Un Chemin creux à Moutier a plus de douceur encore : des ombres portées, le coupent de distance en distance, et font valoir les parties où se joue un soleil clair et gai. Les Rives de la Seine près Saint Julien sont un peu crues. M. Pron doit surveiller la tendance qu’il pourrait avoir à la sécheresse, et réformer aussi une façon de feuiller ses arbres qui finirait par leur donner à tous le même air de famille. À part ce défaut, qui est surtout sensible dans les Rives de la Seine, l’exposition de M. Pron est brillante et fait concevoir de cet artiste les plus grandes espérances. Dans les paysages de M. Jules André, on sent l’étude des Flamands. Les Bords de la Bouzanne ont un certain vaporeux qui rappelle Ruisdael. Un Dessous de bois touffu laisse apercevoir dans le lointain des fragmens d’un ciel chaud et clair, effet que l’auteur affectionne et qu’il place avec avantage dans plusieurs paysages, derrière de belles masses d’arbres. Malheureusement une certaine mollesse, un faire un peu douceâtre, gâtent les incontestables qualités de M. André. Ses Dessins du Morbihan sont sans caractère, surtout si on les examine à côté des vigoureuses Etudes que M. Roqueplan a faites dans les Pyrénées. Les Lavandières, l’Entrée d’un bois le Pêcheur de truites, de M. Armand Leleux, sont d’une élégance un peu léchée. Au milieu de sa verdure claire, M. Leleux introduit