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à l’ornement d’une cheminée ; mais cette dernière considération a une influence fâcheuse, car le goût du public se plaît généralement aux petites scènes pathétiques entre une poule et ses poussins, au trépas attendrissant d’un cerf atteint par les chiens, bien plus qu’à la représentation des attitudes calmes dans lesquelles les animaux déploient tant de noblesse et une si belle gravité. On s’était passionné pour le premier lion de M. Barye, placé à l’entrée des Tuileries : c’est à peine si l’on a pris garde au second, qui pourtant, est bien autrement étudié et d’un style plus sculptural. M. Fremiet ; j’en suis sûr, acquiert plus de renommée par son drame colossal de l’Ours blessé que par ses études consciencieuses de chien, de chat et son Marabout en bronze, si majestueux dans sa pose héraldique. Au point de vue de l’art, il n’y a pourtant dans le groupe de M. Fremiet qu’une nasse assez informe et un homme à peine étudié. Combien nous aimons mieux la Chatte en marbre du même artiste, le Jaguar de M. Barye, et le grand Tigre à l’affût de M. Jacquemart ! Les chiens de M. Mène et de M. Delabrière sont très délicatement traités et méritent de sincères éloges, quoiqu’ils rentrent dans la catégorie des objets à la mode. On remarque aussi de petites merveilles de patience et de dextérité de M. Cain, des bécasses, des alouettes, des moineaux en cire, fouillés et détaillés plume à plume : c’est à faire périr de jalousie tous les apprêteurs du cabinet d’histoire naturelle.

Ainsi, au dernier terme de cette revue, nous constatons, une fois de plus, le caractère matérialiste que nous a révélé l’examen de chacune des branches de l’art contemporain. Nous voyons encore plus clairement que les années précédentes le progrès et le perfectionnement dans les représentations de la nature animale et végétale s’accomplir simultanément avec la dégradation Involontaire ou calculée du type humain, que la peinture et la sculpture avaient jusqu’à présent pris à tâche d’exalter. Les expositions antérieures nous avaient fait assister aux luttes des sectaires coloristes, qui aujourd’hui sont à peu près maîtres du terrain. L’année dernière, M. Préault faisait son entrée ; aujourd’hui, nous avons M. Courbet. Quelle nouvelle doctrine sommes-nous à la veille de voir se produire ? Jusqu’où irons-nous dans cette voie de négations successives, et en remplaçant peu à peu toutes les règles par l’anarchie des fantaisies individuelles ? La barbarie pourrait bien être au bout de cette progression décroissante que certaines gens voudraient nous faire prendre pour la transition à une phase nouvelle. Avant d’accepter cette théorie du renouvellement, nous aimerions à savoir Un peu où l’on nous mène. Nous voyons bien les barbares, ils sont là, ils ont encore élargi la brèche au salon de 1850 ; mais quelle sera la seconde renaissance dont ils sont chargés de préparer les voies ?


LOUIS DE GEOFROY.