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le premier magistrat de la république ne devait pas manquer de ressentir le procédé dont on usait envers lui ; ce ressentiment ne pouvait aller jusqu’à permettre l’insurrection morale qu’on lui conseillait en guise de représailles. Ces conseillers de méchantes expériences ne se le sont pas tenu pour dit, et il a fallu signifier de nouveau que le président ne voulait de souscription sous aucune forme. Ces refus, qui, sans être bien entendu des refus héroïques, ont pourtant leur côté méritoire, perdent peu à peu, ce mérite-là dans l’opinion, toujours moins émue de l’abnégation qu’ils expriment, parce qu’elle est toujours plus frappée des hyperboles opiniâtres auxquelles ils répondent. On sait moins de gré au président d’annoncer qu’il n’acceptera pas la Malmaison qu’on n’est irrité contre ces fanatiques ridicules qui affectent de lui préparer les logemens du consulat comme des étapes sur la route des Tuileries. On s’en prend à lui presque malgré soi de ces réminiscences qu’il ne provoque certes pas, mais qu’il ne vient point à bout d’étouffer une bonne fois. On s’inquiète de ce singulier prestige dont il a tant de mal à contenir les effets, et dont les effets nuisent toujours inévitablement ou au sérieux de son caractère ou au maintien de la paix publique.

Qu’était-ce encore que ce pétitionnement avorté auquel on assignait d’avance les proportions d’un nouveau 15 mai ? L’essai n’a pas même été tenté, soit ; mais ç’a été un coup funeste pour la cause de la Pologne d’avoir servi de prétexte à la manifestation criminelle de 1848 : comment serait-ce un avantage pour la cause du président de remettre dans les mémoires le souvenir de ces expéditions révolutionnaires, fût-ce un souvenir impuissant, fût-ce un misérable plagiat en diminutif ? Si l’on a vu des intimes de la présidence dans les rassemblemens de Belleville, c’était pour les dissiper ; M. Belmontet nous l’affirme, et nous l’en croyons de la meilleure foi du monde ; seulement nous ne lui souhaitons pas d’avoir beaucoup de ces missions scabreuses : c’est toujours un peu jouer au paratonnerre, et le jeu n’est pas sûr pour les imaginations lyriques. On leur est d’ailleurs moins reconnaissant de l’honnête résistance qu’elles opposent au débordement enthousiaste surexcité par leur verve, qu’on n’est mécontent de cette verve importune qui déchaînerait tout dans ses accès. Le chantre de l’empire ne veut point qu’on le fasse, c’est très bien : ce serait beaucoup mieux de n’avoir jamais induit à le faire. Ce retour à l’empire ne serait en somme qu’une chimère sans conséquence ; si le vague au milieu duquel fonctionnent les pouvoir publics n’ôtait pas au commun des esprits le point de repère que leur offraient naturellement des institutions plus consistantes. Si le pouvoir exécutif se retrouvait enfin mieux assis par un meilleur accord avec l’autre, si tous les deux, tels qu’ils sont, malgré les vices de leur origine, s’attachaient par-dessus tout à perpétuer dans les masses la notion d’un état régulier, il y aurait beaucoup moins de ces aspirations malencontreuses vers un état impossible : le président n’aurait à désavouer des velléités de pastiche impérial qu’il endosse toujours sans même en être l’auteur, parce qu’on y voit des complaisances à son adresse.

L’assemblée, de son côté se divise et se coalise encore avec le même aveuglement. Les influences s’y contrarient au point de s’annuler ; les leaders s’effacent en se multipliant, et ce ne serait peut-être pas une exagération de dire qu’il n’est plus d’homme important qui soit toujours sûr de recruter beaucoup