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plus de vingt voix avec la sienne. Il ne reste un peu d’ensemble que là où il n’y a point de tête, point de chefs éminens, sur les bancs de la montagne. On n’a là du moins qu’à laisser faire pour profiter des passions ou des fautes de la majorité : il suffit de se jeter tous à la fois du côté où l’on veut qu’elle tombe ; on la dirige, on s’en empare, rien qu’en se prêtant comme appoint à l’une de ses factions contre l’autre. Les montagnards de l’assemblée sont rudement menés, il est vrai, par les montagnards de l’exil, les exilés d’Angleterre sont à leur tour plus maltraités encore par les prisonniers de Belle-Isle, les extrémités du parti révolutionnaire ne s’entendent pas mieux que les membres du parti conservateur ; mais les schismes qui désolent le parti conservateur ont cela de fâcheux, qu’ils ne se produisent avec tant de vivacité qu’au sein de l’assemblée même, pendant que c’est surtout hors de l’assemblée que les radicaux se brouillent. Leurs dissidences éclatent ainsi d’intervalle en intervalle avec une âpreté qui révèle les bas-fonds de leur politique par les traits soudains d’une bannière sinistre ; elles ne démoralisent pas le parti tout entier, comme font celles des conservateurs ; elles n’exercent pas cette action dissolvante qui résulte infailliblement de querelles si amères, prolongées sans fin dans les sphères d’en haut. Les radicaux sont d’ailleurs bien certains de se rencontrer tous, à un jour donné, sur un terrain commun, le jour où viendra la destruction, sinon le jour qui la suivra. Quel que soit le lendemain de la victoire, s’ils la remportent, ils la remporteront du moins tous de compagnie ; nous, si nous devons être vaincus, pour peu que durent encore nos funestes rivalités, nous ne saurons même pas livrer ensemble notre dernier combat : C’est un mortel découragement de penser que notre faiblesse descend en nous des régions même d’où devrait découler notre force. La force de quiconque en France veut encore un ordre intelligent et libéral ne peut être ailleurs que dans l’union d’un parlement constitutionnel. Quel est donc le bilan de notre histoire parlementaire dans ces derniers quinze jours ? Deux incidens sur lesquels nous reviendrons tout à l’heure, mais dont nous pouvons dire en un mot qu’ils attestent derechef le morcellement de la majorité : la séparation qui a failli démembrer le cercle de la place des Pyramides, l’alliance des légitimistes et des républicains purs ou autres dans la discussion que les bureaux ont ouverte sur le projet de loi relatif à l’administration communale et départementale.

La majorité ne se refait pas ; ce qui se perd ainsi d’autorité politique dans le désarroi du pouvoir parlementaire, personne ne le regagne. La position du président ne vaut pas mieux, parce que la position du parlement vaut moins. Tel est l’état où nous retrouve le troisième anniversaire de la révolution de février, et cet anniversaire doit encore nous donner davantage à réfléchir sur un état si triste, particulièrement lorsque nous considérons la manière dont il a été célébré. Il ne se peut guère qu’on n’ait point remarqué les trois points que voici dans la célébration de cette fête religieuse et politique, telle que nous l’avons tous vu s’accomplir : l’attitude des populations en général, celle du pays officiel, celle de Paris et de la démagogie provinciale. Sous aucun de ces aspects, la fête de février n’a rien qui nous rassure. Nous y reconnaissons des symptômes aussi alarmans pour l’avenir de la nation entière que ceux dont nous nous inquiétions à l’instant pour l’avenir des pouvoirs nationaux. Les pouvoirs s’épuisent, ils se consument en de vaines chicanes qui les débilitent ; on croirait