le prisonnier sur la situation et la force de la garnison espagnole qui occupait l’hacienda de San-Eustaquio. Cette garnison se composait, nous dit le lancier, de cinq cents hommes à peu près sous les ordres du commandant Larrainzar, homme orgueilleux, brutal et détesté de ses soldats. Nous obtînmes encore d’autres renseignemens sur la position des troupes et sur les endroits les moins bien défendus.
Ce ne fut pas sans de grandes difficultés toutefois que nous pûmes franchir, au milieu de chemins affreux et avec des chevaux exténués, les deux ou trois lieues qui séparaient l’hacienda de notre camp. Vous comprendrez pourquoi la route était si difficile. Non loin de la ville de Zacatécas, que le général Rayon cherchait à gagner, quoiqu’il la sût occupée par l’ennemi, la Sierra-Madre se divise en deux branches. La première, celle même où nous nous trouvons maintenant, se dirige du nord au sud parallèlement aux rivages de l’Océan Pacifique, l’autre court du nord à l’est en suivant la courbure du golfe du Mexique. C’était sur un des points les plus élevés de cette dernière ramification qu’était située l’hacienda dont nous voulions nous emparer. Elle occupait l’extrémité d’un des plus larges plateaux de la Cordillière.
Arrivés à l’hacienda sans avoir été aperçus, grace à l’obscurité d’une nuit sans lune, nous fîmes halte sous de grands arbres, à quelque distance du bâtiment, et je me détachai de ma troupe pour pousser une reconnaissance. L’hacienda, ainsi que je pus le voir en me glissant à travers les arbres, formait un grand parallélogramme massif, soutenu par d’énormes contreforts de pierres de taille, et percé seulement sur le côté tourné vers la sierra de quelques rares fenêtres, ou plutôt de meurtrières garnies de gros barreaux de fer. Une muraille d’enceinte, haute, large et crénelée, qui s’élevait sur un des côtés de ces parallélogrammes, comprenait la cour, les écuries, les remises et les granges. La garnison espagnole était logée et campée dans cette cour, l’angle de l’hacienda opposé à celui où je me trouvais, s’élevait au-dessus du toit en terrasse un clocher carré à trois étages qui indiquait l’emplacement de la chapelle. Quant aux derrières de l’hacienda, ils étaient mieux protégés encore que les côtés par un gouffre sans fond. Le long de ce gouffre, les murailles de l’hacienda se joignaient presque à une autre muraille à pic taillée par la nature dans un entassement de rocs dont le regard, si loin qu’il plongeât dans le ravin, cherchait en vain la base, car des vapeurs bleuâtres qui s’élevaient sans cesse du précipice ne permettaient pas d’en mesurer la profondeur. On connaissait dans le pays cet endroit sous le nom du Voladero.
J’avais exploré tous les côtés du bâtiment, moins celui-ci ; je ne sais quel scrupule d’honneur militaire me poussa à continuer ma tournée le long du ravin qui protégeait les derrières de l’hacienda. Entre les murs et le précipice, il y avait un petit sentier large de six pieds à peu près ; le jour, le trajet n’eût pas été dangereux, mais la nuit c’était