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LE ROMAN JUIF


EN ALLEMAGNE.




M. LEOPOLD KOMPERT.

I. — Aus dent Ghetto (Scènes du Ghetto), par M. Léopold Kompert ; Leipzig, 1848.

II. — Bœhmische Juden (les Juifs de la Bohême), par le même ; Vienne, 1851.




Ce sera un des caractères de ce temps-ci que le réveil des traditions nationales d’un bout de l’Europe à l’autre. Le XVIIIe siècle avait effacé l’esprit particulier de chaque peuple ; ardent à se séparer du passé et dédaigneux de ses meilleurs souvenirs, l’homme semblait ne plus avoir de relations avec le sol qui l’avait nourri ; une pensée uniforme et des sentimens convenus se substituaient presque partout aux émotions, aux idées, à tous les phénomènes moraux suscités en notre ame par la réalité qui nous entoure ; la figure abstraite de l’humanité avait pris la place de la créature vivante. De toutes les causes qui ont amené, il y a un siècle, l’appauvrissement général de la poésie européenne, il n’en est pas de plus sérieuse que celle-là. Lorsque la langue et la pensée de Voltaire gouvernaient les intelligences de Saint-Pétersbourg à Londres et de Berlin à Madrid, il n’y avait pas de place pour cette poésie vraie que le soleil fait éclore, qui se nourrit de la sève du sillon, qui reçoit pour les féconder les influences du monde réel, et porte au front, comme un signe charmant, la marque des lieux où elle est née. Une réaction ne devait pas tarder à se produire ; on sait avec quelle fougue impatiente Lessing en fut le promoteur, et comme le génie national en Allemagne, en Suède, en Angleterre, combattit d’une manière