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grands centres de population, tels que Paris et Londres, il est inutile de faire la dépense d’une voie double.

Plusieurs tracés ont été proposés pour la ligne de Bâle à Olten, la seule, nous l’avons dit, qui présente de sérieuses difficultés. Celui que M. Stephenson recommande traverse le Hauenstein, l’une des plus hautes sommités du Jura. De Liestall jusqu’aux bords de l’Aar, sur une longueur de 22 kilomètres et demi, le tracé n’offre de surface horizontale qu’en deux endroits de 250 mètres de longueur chacun, plates-formes factices où doivent être établies les gares pour le service d’un plan incliné. La pente varie de 8 à 35 pour 1,000 ; il y a un tunnel d’une longueur de 2,400 mètres, avec inclinaison de 25 pour 1,000, et la descente, depuis la sortie immédiate du tunnel jusque dans la plaine de l’Aar, atteint, dans toute son étendue de 2,200 mètres, le maximum de la pente, soit 35 pour 1,000. Cette difficulté, insurmontable par les moyens ordinaires, disparaît dans le projet de M. Stephenson par l’application d’un mécanisme fixe qui reposerait sur l’emploi de l’eau. De cette manière, suivant lui, on peut obtenir sans danger une grande économie.

Dans l’esprit, dit-il, des personnes qui ont pu juger en Angleterre et en Amérique[1] de l’emploi considérable qu’on y fait des appareils fixes, il ne saurait s’élever aucun doute sur la convenance d’utiliser pour les chemins de fer de la Suisse les forces naturelles et peu dispendieuses qu’offrent les chutes d’eau. L’économie, la facilité de l’usage, l’efficacité et la sûreté des moyens, quand l’emploi en est judicieux, tout tend à démontrer l’utilité et le prix de cette puissance pour établir des chemins de fer dans des contrées montagneuses.

« Dans la plus grande partie du système proposé à la Suisse, la direction des lignes coïncide avec celle des principales vallées ; mais il y a quelques exceptions, et, à l’approche de la région des Alpes, il n’y a plus de probabilité que les locomotives puissent servir ; seuls, les appareils fixes peuvent être employés pour franchir ces croupes élevées. Le passage du Jura offre aussi une occasion favorable de tirer parti de la puissance des cours d’eau qu’on a sous la main.

« Les préjugés soulèveront sans doute bien des objections contre cette opinion, objections basées principalement sur la crainte vague de l’inconnu : on dira que le moyen est nouveau, dangereux, sujet à des retards, et qu’il n’a pas été mis à l’épreuve. Ces objections sont sans fondement. S’il est vrai que les cours d’eau n’ont pas été, très généralement employés pour un pareil service, il existe cependant des exemples de cet emploi. Quant au danger supposé, les preuves ne manquent pas pour établir que l’usage des plans inclinés et des

  1. C’est en Amérique surtout qu’on peut voir des plans inclinés desservis par des machines fixes, au lieu de rampes desservies par des locomotives, sur des lignes de fer dont quelques-unes sont très importantes et figurent parmi les artères commerciales du pays. M. Michel Chevalier, dans son Histoire et description des voies de communication aux États-Unis, a particulièrement décrit les appareils fixes et les accessoires des plans inclinés du chemin de fer du Portage, qui fait partie de la grande ligne de Philadelphie à l’Ohio, et du chemin de fer de Sunbury à Pottsville. Sur le premier, les plans inclinés, au nombre de dix, ont une pente de 8 à 10 pour 100 ; sur le second, un fort habile ingénieur, M. Moncure Robinson, n’a pas craint d’aller jusqu’à 30 pour 100.On conçoit quelle facilité il en résulte pour franchir à peu de frais une région montagneuse.