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qui ressemble parfois à de la rancune contre la civilisation et les hommes, ou bien qu’elle entreprenne le commentaire d’une de ces immortelles pages léguées par les maîtres de l’art à l’examen enthousiaste et fécond des esprits supérieurs, c’est toujours le même procédé d’interprétation savante, raffinée, diamétralement opposée à cette naïveté primitive qui nous eût fait croire à Colombine et à Pierrot. Si Mme Sand nous eût donné une étude sur la comédie italienne, comme elle nous a donné, dans le Château des Désertes, une étude sur Don Juan, si elle avait encadré ce travail dans un récit où elle eût pu rester elle-même et déployer ses qualités descriptives, nous sommes sûr qu’elle aurait réussi. Au lieu de cela, elle nous a présenté le pastiche pur et simple, sans aucune préparation qui nous initiât à sa pensée et à ses recherches. Le succès n’était pas possible, et le succès lui a fait défaut.

Et pourtant çà et là, dans cette couvre manquée, on retrouve encore la trace d’un talent supérieur : il y a la scène du premier acte, Pedrolino et Violette agenouillés et se parlant de leur amour aux pieds de Pandolphe endormi ; il y a la jolie chanson berrichonne qui eût mérité un autre cadre ; il y a un petit rôle de notaire facétieux et égrillard parfaitement réussi. Peut-être, en songeant à ces charmans détails, est-on tenté de penser qu’en effet Mme Sand a été jugée cette fois avec rigueur ; mais ce qui est positif, c’est qu’elle se trompe sur la vraie cause de cet excès de sévérité, et qu’elle ferait mieux de l’attribuer à une de ces réactions fréquentes qui suivent les engouemens irréfléchis. La chute des Vacances de Pandolphe pourrait bien n’être que l’expiation du succès exagéré de ces scènes rustiques dont on s’était, nous le croyons, trop pressé d’admirer la vérité et le naturel. Pedrolino et Violette ont payé pour le Champi et pour la Fadette, pour Claudie et pour Sylvain. Il est donc temps que Mme Sand abandonne ce filon d’où elle a tiré tout ce qu’il pouvait lui rendre, qu’elle sorte de cette longue idylle où elle nous a toujours fait l’effet du loup devenu berger, qu’elle renonce aux pastiches de Florian et de Sedaine, et qu’elle revienne à son vrai genre : la passion encadrée dans le paysage.

Toute cette pièce des Vacances de Pandolphe n’est qu’un perpétuel contraste, une lutte fatigante entre la manière de Aime Sand et la tâche qu’elle avait entreprise. À tout moment, son sujet et ses personnages sortent, malgré elle, des régions fantasques où elle s’efforce de les maintenir, pour reprendre pied dans la vie réelle. On se demande alors si l’on a réellement à faire à Pierrot, à Violette, à Colombine, à Pascariel, à Léandre, ou bien à un amoureux et à une ingénue de village, proches parens de Sylvain et de Claudie, à des fripons et à des courtisanes fort peu différens des héros de nos vaudevilles. Pourquoi le premier acte est-il le meilleur ? C’est que le personnel du vieux théâtre s’y montre à peine, et que ces deux amans naïfs, aux pieds de ce docteur bourru et bonhomme, forment un gracieux tableau, auquel on peut s’intéresser sans aucune préoccupation archéologique ou érudite. Nous n’affirmerons pas, comme les amis de l’auteur, que, dans cette nouvelle édition de Pierrot, Mme Sand a voulu réhabiliter l’idée spiritualiste et chrétienne, c’est-à-dire l’amour vrai triomphant des instincts matériels et grossiers qui dominent chez l’ancien Pierrot : ce sont là de bien grands mots et des prétentions bien hautes pour cette figure enfarinée ; mais enfin ce Pedrolino gauche et crédule, gardant, sous son air de niaiserie et de bêtise, sa finesse villageoise, et sauvé des périls dont on l’entoure par la sincérité de son amour pour Violette, ne déplaisait à