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verton, qui s’écrie que la rivière remontera vers sa source avant que la politique commerciale des dernières années soit abandonnée, est-il le même que le ministre dont les opinions en : matière de commerce se rapprochent, dit-on, de celles des protectionistes ? Le whig ultra-libéral qui donne la main à Mazzini et à Kossuth est-il le même que le ministre empressé d’adhérer au coup d’état de Louis-Napoléon ? Nous ne nous chargeons pas d’expliquer ces contradictions ; mais, quel que soit le jugement que l’on porte sur ce ministre habile et actif, on ne peut s’empêcher de reconnaître que sa politique avait deux grands défauts, nous dirions presque deux vices : le premier, c’était l’exagération de ses qualités même, sorte d’affectation et d’outrecuidance dans la ruse qui blessait autant les puissances continentales que ses actes les plus hostiles ; en second lieu, cette politique manquait de base fixe, et l’on peut dire qu’elle reposait sur un calcul de probabilité ; elle n’avait rien de traditionnel. Personne mieux que lui ne savait exploiter les faits qui n’étaient pas encore nés ; personne ne savait mieux tirer parti des craintes d’un pays, de ses alarmes ou de ses espérances. Les motifs de plaintes qu’il avait donnés à toutes les puissances continentales étaient légitimes et naturels ; car si, à toutes les époques, on a vu des nations devenir les arbitres de la paix et de la guerre, on n’avait jamais vu aucune puissance se faire l’arbitre tout à la fois de la conservation et de la révolution. C’est là le rôle singulier et original sans doute, mais dangereux et irritant, que lord Palmerston jouait depuis trois ans. Non-seulement il s’était déclaré le redresseur des torts de toutes les nations de la terre, mais il s’était constitué, ainsi que nous l’avons vu lors de l’envoi de la brochure de M. Gladstone à toutes les cours de l’Europe et dans mainte autre occasion, le juge de l’excellence relative des sociétés, de la légitimité ou de l’illégalité des actes des gouvernemens. Son patriotisme ne peut le mettre à l’abri du reproche d’avoir défendu partout, sous prétexte de libéralisme, des causes qui n’étaient pas celles de la liberté, et même qui lui étaient hostiles, d’avoir défendu la révolution, et non pas la liberté.

Les cortès viennent d’être suspendues en Espagne. Il ne faut point chercher d’ailleurs dans ce fait, coïncidant avec nos dernières crises, autre chose que la portée évidente et naturelle qui s’y découvre au premier abord. C’est une mesure toute simple et de prudence, destinée sans nul doute à couper court aux interprétations inutiles et embarrassantes, aux agitations factices qui se produisent trop souvent depuis qu’il est passé en usage chez les nations constitutionnelles de traduire à leur barre les nations voisines en commentant leurs crises et leurs révolutions avec trop peu de ménagement pour qu’il n’en résulte pas quelque difficulté dans l’action extérieure des gouvernemens ; il s’était déjà produit au sein du congrès espagnol quelques-uns de ces commentaires qui promettaient. Pour suspendre les corps législatifs, le ministère n’a eu qu’à mettre en œuvre la plus élémentaire des prérogatives royales, tout comme l’avait fait le cabinet Narvaez au lendemain de la révolution de février. Ici seulement le cabinet espagnol actuel n’a point eu à solliciter des cortès elles-mêmes des facultés extraordinaires pour parer à des nécessités d’ordre public. Tout est calme au-delà des Pyrénées. L’Espagne tout entière, en ce moment même, est à la satisfaction que causent la délivrance de la reine et la naissance d’une héritière de la couronne. La jeune infante a reçu le nom traditionnel de prin-