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et il ne lui restait plus que cinq ou six petites affaires à terminer : par exemple, sa querelle avec les États-Unis au sujet de son protégé le roi des Mosquitos, et le refus obstiné de la cour de Vienne de recevoir le ministre plénipotentiaire d’Angleterre en Autriche, lord Westmoreland. Il paraîtrait que cette dernière affaire était plus sérieuse que les autres. Quoi qu’il en soit, le 22 de ce mois, un conseil de cabinet fut tout à coup convoqué au moment où tous les ministres étaient partis de Londres pour passer dans le repos, selon l’usage, les fêtes de Noël, et l’on apprit avec surprise que lord Palmerston, le plus assidu de tous les membres du gouvernement, l’actif ministre qui, au Foreign-Office, ne souffrait pas qu’un employé touchât aux affaires, n’assistait point à ce conseil. Le lendemain, on sut que lord Palmerston avait été officiellement prié d’offrir sa démission.

Les explications de ce changement subit et inattendu ont singulièrement varié depuis quelques jours. La mauvaise intelligence qui existait de temps immémorial entre lord Palmerston et lord Grey fut d’abord le motif que l’on donna de cette chute soudaine ; selon d’autres, lord Palmerston ne pouvait plus s’entendre avec lord John Russell lui-même, parce que ce ministre, si révolutionnaire à l’extérieur, se refusait aux réformes promises solennellement par le chef du cabinet. Enfin lord Palmerston, disait-on, était tombé victime d’une trop vive adhésion donnée aux changemens survenus dans le gouvernement français, qui blessait les sentimens politiques et les opinions constitutionnelles de ses collègues. Cette dernière explication serait-elle la vraie ? Il est bon de remarquer que cette adhésion a bien pu être le prétexte de la chute, mais qu’elle n’en a pas été la cause. La cause, c’est la politique même que lord Palmerston pratiquait depuis trois ans ; c’est cette politique qui, en irritant tous les gouvernemens, retirait un à un tous ses alliés à l’Angleterre, et l’isolait de plus en plus du continent. L’Angleterre, revenant à son ancienne politique continentale, serait à la veille de renouveler son alliance avec l’Autriche, que lord Palmerston avait rompue dans sa trop grande confiance aux succès de M. Kossuth et de M. Mazzini. La cour de Vienne, qui depuis deux mois refusait obstinément de recevoir lord Westmoreland, l’a admis le jour même où l’on recevait la première nouvelle, encore incertaine, de la chute de lord Palmerston. La simultanéité des deux événemens nous porte donc à croire que lord Palmerston est tombé victime de sa politique et des griefs qu’il avait fournis contre lui à l’Autriche. Quant à l’adhésion trop vive que lord Palmerston aurait donnée au gouvernement actuel de la France, si elle est pour quelque chose dans sa chute, il serait permis de croire alors que le renvoi du noble lord est un acte de défiance de l’Angleterre envers nous. Dans ce cas, le choix du successeur de lord Palmerston, lord Granville, le même que Paris a vu, lors de la réception du lord-maire, s’exprimer sur la France en termes si flatteurs et si pacifiques, serait pour notre pays un gage de concorde et un témoignage que l’entente qui règne depuis si long-temps entre les deux grandes nations ne sera pas rompue.

Qui nous dira cependant quel homme est au juste lord Palmerston ? Les derniers événemens nous ont appris qu’il y avait en lui plusieurs hommes qui se détruisaient les uns par les autres, et depuis huit jours les journaux anglais sont remplis de renseignemens contradictoires à son endroit. L’orateur de Ti-