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comme plus significatif encore. Il ne paraît pas jusqu’ici que ces bruits fussent fondés. C’était très probablement en vue de ces éventualités que, dans une des dernières séances du congrès, M. Pacheco proposait tout un programme politique qui consistait dans l’union de toutes les fractions du parti libéral, y compris le parti progressiste lui-même. M. Pacheco est un esprit politique éminent ; mais il ne s’apercevait pas que ces sortes de fusions, toujours momentanées, ne se font qu’en présence de quelque danger menaçant, comme cela est arrivé une fois sous le règne d’Espartero. De pareils dangers n’existent pas heureusement pour la Péninsule ; la monarchie constitutionnelle n’est en péril d’aucun côté. En réunissant aujourd’hui toutes les faiblesses et les dissidences des partis, on ne ferait point un parti et une force. Toujours est-il qu’une telle idée n’est guère en mesure de prévaloir maintenant par l’action parlementaire depuis la suspension des cortès, et lors même qu’en leur absence le choix de la reine aurait de nouveau à s’exercer, nous ne croyons pas que ce fût en dehors du parti purement conservateur.

Ce qui est certain, c’est que les questions fondamentales, les questions d’état sont à peu près vidées au-delà des Pyrénées ; elles peuvent l’être pour long-temps, grace surtout à la naissance d’une héritière de la couronne, si les hommes publics de la Péninsule y mettent de la prévoyance et de la sagesse. En dehors même des questions purement politiques, qui ont leur importance sans doute, mais qui usent souvent sans résultat les forces d’un pays, l’Espagne a assez à faire dans l’ordre moral et matériel. Elle a à poursuivre la réforme lente de ses institutions et de ses habitudes administratives, l’amélioration de son commerce et de son industrie, le développement de son agriculture, le règlement de mille intérêts laissés en suspens par la révolution. Elle a à renouer les traditions d’une politique extérieure assurée et efficace. Sous ce dernier rapport, l’Espagne vient d’obtenir une légitime satisfaction des États-Unis. On se souvient peut-être qu’à la suite de la tentative de Lopez sur l’île de Cuba et de l’exécution de cinquante de ses partisans, parmi lesquels étaient beaucoup d’Américains, la maison du consul d’Espagne à la Nouvelle-Orléans avait été saccagée et le drapeau espagnol insulté. Les négociations ouvertes à ce sujet viennent d’aboutir à une note de M. Daniel Webster, dans laquelle le gouvernement de l’Union constate et répare ces déplorables violences ; il reconnaît le droit du consul espagnol à une indemnité, et a donné l’ordre qu’à sa rentrée à la Nouvelle-Orléans, le drapeau de l’Espagne fût salué par les salves d’usage. Le gouvernement espagnol, de son côté, a mis en liberté les prisonniers américains qui restaient encore à Cuba. Nous ne nous faisons point illusion au surplus : ceci n’est que la moindre des choses et ne saurait être pour l’Espagne une garantie contre des tentatives de même espèce. C’est à son gouvernement d’y veiller.

Nous n’avons point le dessein de parcourir toutes les questions, tous les incidens qui peuvent caractériser depuis quelque temps la politique espagnole. Quelques-uns nous suffisent. Un des plus graves de ces incidens, c’est la signature du concordat avec le saint-siège qui, en garantissant aux propriétaires actuels les biens du clergé vendus jusqu’ici, met hors de cause le seul intérêt sérieux et légitime qui pût se croire menacé, et clôt une difficulté des plus épineuses. Le droit de l’église sur les biens non aliénés est d’ailleurs reconnu