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par le gouvernement. Pour le surplus, une dotation lui est assurée, provenant d’une contribution spéciale que les habitans peuvent acquitter en argent ou en nature. Le droit de l’autorité ecclésiastique à la surveillance de l’enseignement religieux se trouve consacré. Nous ne disons pas que le concordat de 1851 ne suscitera jamais aucun conflit ; mais à coup sûr, pour le moment, il offre la preuve de l’immense réaction opérée en Espagne en quelques années. Dans un autre ordre d’idées, même en l’absence des chambres, le gouvernement espagnol ne paraît point se désister des projets déjà mis en avant pour le développement des intérêts pratiques du pays. Tandis que le règlement de la dette se poursuit activement, une loi est intervenue qui concède la canalisation de l’Èbre. C’est un Français, M. Pourcet, qui a assumé l’entreprise de ce grand ouvrage, et ce sont des ingénieurs français qui dirigent les travaux. Un décret royal, assure-t-on, vient de faire à M. Salamanca la concession d’un chemin de fer qui irait d’Aranjuez à Alicante et relierait ainsi Madrid à la Méditerranée. Il est enfin une question qui nous concerne spécialement, et à la solution de laquelle, nous l’avouons, nous attachons un prix assez grand. Les négociations ouvertes entre la France et l’Espagne pour la conclusion d’un traité sur la propriété littéraire sont en ce moment même sur le point d’aboutir. La base de ce traité est la reconnaissance réciproque du droit de propriété intellectuelle et par suite l’interdiction de toute contrefaçon dans les deux pays. Ce n’est pas que l’Espagne par elle-même contrefasse nos livres, dans de grandes proportions du moins ; mais elle offre un débouché considérable à la contrefaçon belge. D’un autre côté, les contrefaçons de livres espagnols qui se font à Paris et qui inondent l’Amérique du Sud enlèvent à l’Espagne un immense marché. Ainsi il y a pour les deux pays intérêt égal à s’accorder pour la suppression d’un aussi immoral trafic. Il faudra bien que cette audacieuse piraterie cède enfin devant les mesures par lesquelles on cherche à l’étouffer. Déjà des traités existent avec le Portugal, avec la Sardaigne, avec le Hanovre et l’Angleterre ; hier encore la Prusse, à ce qu’il paraît, refusait d’inscrire dans un traité de commerce avec la Belgique le droit de transit pour la contrefaçon, et annonçait qu’elle était prête à traiter avec la France sur la propriété littéraire. Aujourd’hui, c’est l’Espagne. Il faut penser que le gouvernement français, déjà heureusement entré dans cette voie, mettra bientôt au service de cet intérêt, qui n’est point secondaire, un peu de cette force qu’il a plus que jamais aujourd’hui pour la défense des intérêts publics du pays.

Le Portugal n’est pas, tant s’en faut, dans une situation aussi rassurante que l’Espagne. Les fantaisies révolutionnaires de Saldanha viennent d’aboutir à leur dénoûment naturel et prévu : le trésor est vide, et s’il faut s’étonner d’une chose, c’est que ce résultat se soit fait attendre sept mois. Déjà sous le dernier cabinet, les finances portugaises ne se soutenaient plus que par une fiction tacite, par la sécurité et la patience que le comte de Thomar avait su inspirer au pays. Impôts sur le capital, impôts sur le revenu, impôts sur les transactions, sur la consommation, sur le travail, sur le luxe ; détournemens des recettes municipales et provinciales au profit de l’état, retenues sur toutes les créances, suspensions provisoires de paiemens, hypothèques des ressources disponibles, tous les expédions fiscaux, tous les artifices de trésorerie qu’avaient fait surgir trente ans de révolutions se trouvaient épuisés sans que le