Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/331

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cœur le plus insensible, et le compte que les prisonniers zoulous rendent de cette épouvantable tragédie montre que nos compatriotes se sont bravement défendus jusqu’à la dernière extrémité, bien qu’ils n’eussent d’autres armes que leurs coutelas et des bâtons arrachés aux Zoulous. On nous dit qu’avant de mourir, ils ont tué une vingtaine de leurs assaillans et blessé un beaucoup plus grand nombre. Les Zoulous n’ont pris de leurs dépouilles que les chevaux et les armes. Parmi les ossemens, nous avons, entre autres choses, trouvé le porte-manteau de M. Retief, qui contenait encore des papiers, dont quelques-uns sont méconnaissables ; mais le traité signé avec Dingaan est encore lisible[1]. En voici une copie :

Umkinglove, 4 février 1838.

« Il est fait savoir à tous

« Que Pieter Retief, gouverneur des fermiers émigrans hollandais, ayant repris les troupeaux que Sinkongella m’avait volés, et que ledit Retief me les ayant restitués, en conséquence, moi, Dingaan, roi des Zoulous, je certifie par les présentes et je déclare qu’il m’a plu de concéder audit Retief et à ses compatriotes le territoire connu sous le nom de Port-Natal avec toutes les terres qui en dépendent, c’est-à-dire depuis le fleuve Togela jusqu’à l’Omzovoobo à l’ouest, et depuis la mer au nord jusqu’aussi loin que le pays s’étend et m’appartient[2].

« Voilà ce que j’ai fait et ce que je leur donne en toute et perpétuelle propriété.

« Signé de la croix de Dingaan.

« Témoins présens au contrat :

« M. Oosthuisen, M. A.-C. Greyling, M. B.-J. Liebenberg qui ont signé, et les grands conseillers Moaro, Juliavius et Manondo, qui ont apposé leurs croix. »


Le résultat de ce combat et de celui qui fut encore livré le 26, combat dans lequel les Zoulous perdirent un millier d’hommes et les Boers seulement cinq des leurs, détermina Dingaan à abandonner la partie devant des ennemis aussi redoutables. Il s’enfuit vers le nord, faisant des propositions de paix, renvoyant une partie du bétail qu’il avait enlevé aux émigrans, restituant quelque peu du butin qu’il avait fait sur eux, des fusils, des selles, etc., et promettant de les indemniser de tout ce qu’ils avaient perdu ou dépensé par suite de la guerre. Ces ouvertures, que l’on était en droit, après tout ce qui s’était passé, de ne

  1. Une circonstance qui explique la conservation presque miraculeuse de cette pièce, c’est que la superstition défend aux Cafres de toucher à aucun des objets qui ont appartenu à des morts. Leur cupidité n’avait pas pu résister au désir de s’approprier les chevaux et les armes des blancs, mais ils avaient respecté le reste.
  2. C’est-à-dire du 29e degré au 31e degré 30 minutes de latitude méridionale, et du 27e degré 30 minutes au 31e degré 30 minutes de longitude à l’est du méridien de Greenwich, comprenant une superficie de plus de 7,000,000 d’hectares. Du fleuve Omzovoobo (Ivoire) au Togela, on compte environ 300 milles (100 lieues) ; de la côte aux montagnes Quatlamba ou Drakenberg, où s’arrêtaient les possessions de Dingaan, on compte une profondeur variable de 60 à 100 milles (de 30 à 40 lieues).