Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/417

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

immédiatement le dos à nos tentes, nous nous acheminâmes vers le flanc droit du large ravin qui nous séparait de la montagne de Sebbeh. La pente était raide et la rocaille roulante ; mais, à tout prendre, nous avions vu de pires chemins. Au bout de quelques minutes, nous n’eûmes plus devant nous qu’un étroit sentier dont les chèvres mêmes auraient eu peine à se contenter : nous avancions évidemment sur le casse-cou que Josèphe appelle la Couleuvre ; mais j’affirme, et mes compagnons ne me démentiront pas, que l’historien des Juifs l’a flatté. C’est une escalade sans interruption et à quelques centaines de pieds de hauteur à pic, centaines de pieds qui vont toujours en se multipliant. Décidément, il ne ferait pas bon regarder à gauche en montant cette route beaucoup trop pittoresque, car le vertige vous prendrait infailliblement. Ces abîmes dent nous ne pouvions apercevoir le fond exercent une sorte d’attraction presque invincible, contre laquelle nous avions toutes les peines du monde à nous défendre. Il fallait donc en montant regarder toujours à droite ; en descendant, nous regarderions à gauche : c’était une consolation. Un de nos compagnons, M. Loysel, ne tarda pas à trouver ce genre de promenade mal plaisant ; il s’assit tranquillement sur une pointe de rocher, alluma une pipe et écrivit sur son calepin de voyage : 11.janvier, course à Sebbeh. Son serviteur, fraîchement sorti de l’artillerie cependant et familiarisé avec de pareilles fatigues par plusieurs années de séjour en Afrique, lui tint compagnie. Déjà nous étions à quelques cents pieds plus haut, et nous osions à peine jeter un regard derrière nous, quand nous nous aperçûmes que nos deux compagnons nous avaient faussé bande sans même nous souhaiter bon voyage. Le reste de la petite caravane avait tenu bon, et nous suivions, essoufflés et haletans, nos trois Bédouins, qui semblaient parcourir une route royale. Nous avions l’amour-propre de ne vouloir pas reculer devant ce qui paraissait facile à ces sauvages d’acier, et nous allions de l’avant. Enfin nous touchâmes à une sorte de plateau fort tourmenté et fort étroit d’abord, sur lequel débouchait un ravin déchiré qui s’éloignait vers le nord-ouest. Ce plateau s’élargit rapidement, et nous nous trouvâmes au milieu de décombres et de murailles, indices certains d’habitations antiques.

À notre gauche, la crête du précipice était bordée par un mur continu en pierres sèches amoncelées simplement, et ce mur plongeait rapidement, avec le flanc qui le portait, vers le fond du ravin, au nord duquel était assis notre camp. Ici pas de doute possible, nous étions arrivés au point que Josèphe appelle Leukè. À notre gauche commençait la Couleuvre, que nous venions de suivre, et qui descend vers la mer Morte ; derrière nous devaient être le chemin de l’occident et les restes de la tour qui le coupait. Les deux sentiers se rejoignaient ici. Malheureusement nos minutes étaient comptées, et les décombres du camp de