Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une histoire des États de l’Église depuis trente ans qu’un recueil composé avec un talent supérieur des matériaux, des élémens et des preuves de cette histoire.

Quant au jugement du pontificat de pie IX, nous avons laissé aux événemens qui l’ont rempli le soin de le porter. L’histoire est la plus naïve et en même temps la plus forte école où gouvernemens et peuples puissent apprendre à quelle cause les uns et les autres doivent leurs épreuves. C’est une doctrine aussi fausse que brutale que la doctrine de la nécessité. Les révolutions sont toujours dans les mains des hommes, et il n’y a point de fatalité qui les condamne à périr toutes, même les plus généreuses, victimes de leurs excès. Il y a même à Rome, ou plutôt surtout à Rome, un milieu à tenir entre les extrêmes, et ce n’est pas chose impossible que d’y concilier dans un seul système de gouvernement les garanties du maintien du pouvoir et celles du légitime exercice des droits de la nation. C’est ce que l’histoire que l’on va lire prouvera, nous l’espérons, avec une suffisante éloquence.


I

Grégoire XVI mourut le 1er juin 1846. Avec lui finissait un pontificat de quinze ans, qui, malgré toutes les qualités privées du souverain, n’avait été qu’un long fardeau pour ses peuples. Prêtre sévère, théologien consommé, Grégoire XVI n’avait porté sur le trône aucune des vertus d’un prince temporel. Soucieux avant tout des intérêts célestes dont il était dépositaire, il n’avait jamais abaissé ses regards sur les besoins de son pays ni sur les misères de son temps. Son gouvernement avait eu tous les caractères, toutes les rigueurs et tous les vices du despotisme. Il laissait la mémoire singulière d’un homme naturellement humain et éclairé, dont la politique n’avait jamais connu ni la pitié ni la lumière.

Grégoire XVI léguait à son successeur une détresse, un désordre et des embarras immenses : toutes les ressources du pays ou engagées, ou stérilisées, ou ruinées ; l’agriculture dans l’abandon ; un sol naturellement fertile condamné à l’infécondité par la concentration des terres dans un petit nombre de mains de grands propriétaires ou de corporations religieuses n’ayant d’autre souci que de toucher leurs revenus sans jamais songer à les accroître ; pas une société agricole, pas une ferme-modèle, pas un haras ; la sujétion des habitans à la production et à l’exploitation étrangères pour les articles de première nécessité ; un commerce borné, pauvre, n’offrant rien ou presque rien l’échange ; nulle grande industrie ; la contrebande organisée sur une échelle immense et fraudant le fisc de plus de la moitié de ses revenus ; pas un chemin de fer, pas un télégraphe ; les routes sans entretien ;