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municipale elles-mêmes étaient interdites. Ajoutez-y enfin deux mille exilés, proscrits et condamnés politiques.

Un règne pareil n’avait pas été sans aigrir les cœurs ni sans exalter les esprits. Dès le lendemain de son élection, Grégoire XVI s’était trouvé en face d’une insurrection formidable ; son gouvernement et l’étranger l’avaient étouffée dans les supplices, mais le sang n’éteint pas les haines, et, pour conjurer le désespoir de populations qui souffrent, il faut d’autres armes que l’exil, les cachots et la mort. Les cabinets de l’Europe l’avaient senti. Un memorandum rédigé par les grandes puissances chrétiennes et présenté en leur nom par l’Autriche avait appelé l’attention du saint père sur les réformes dont le temps leur paraissait rendre l’introduction nécessaire dans l’administration temporelle des États de l’Église ; mais Grégoire XVI trembla devant l’idée de porter la main sur des institutions consacrées par les siècles, et la voix respectueuse des puissances qui s’étaient adressées à lui ne fut pas plus entendue que la douloureuse prière de ses sujets. Des conspirations nouvelles troublèrent et ensanglantèrent la Romagne en 1843, en 1844, en 1845 ; inutiles comme celle de 1831, elles montrèrent cependant par leur témérité même combien l’administration pontificale était devenue intolérable aux peuples qu’elle écrasait, et de toutes parts, non-seulement en Italie, mais en Europe, la fin du pontificat de Grégoire XVI était attendue comme l’inévitable signal ou d’un grand changement, ou d’un grand soulèvement dans les États Romains.

Cette époque arriva : on voit par la rapide esquisse du règne qui l’avait précédée combien elle était pleine d’espérances, et si le successeur de Grégoire XVI ne se montrait pas, dès son arrivée sur la scène de l’histoire, à la hauteur des événemens, combien elle recélait de tempêtes.

Mais les arrêts mystérieux du ciel avaient réglé qu’un jour plus doux allait luire pour l’infortunée Romagne. Le dimanche 14 juin 1846 au soir, une foule recueillie et tremblante d’espérance vit murer devant elle les portes du conclave. Trois jours durant, ces portes demeurèrent fermées ; le 17 au matin enfin, elles tombèrent, le tabernacle s’ouvrit, et il en sortit un saint.

L’Europe entend encore l’acclamation immense qui s’échappa de toutes les poitrines et de tous les cœurs, quand le nom du cardinal Mastaï fut jeté aux populations ivres de joie qui couvraient la place du Quirinal. Quelle journée ! que de longues espérances ! quel souvenir amer aujourd’hui pour tous ceux dont l’ingratitude, le crime et la folie ont changé l’ère de bonheur et de gloire qui s’ouvrait alors pour la Romagne, pour l’Italie, pour l’Occident, pour l’Église, en une ère de déception, de repentirs et de douleurs ! Néanmoins tout le monde, en ce moment, crut à Rome qu’il suffisait de vouloir le bien pour le réaliser,