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et personne, pour le malheur de l’Italie, ne se douta que le nouveau pontife, de quelques angéliques vertus que le ciel se fût plu à l’orner, ne pouvait seul suffire à la tâche que l’immense arriéré des temps lui léguait.

Le cardinal Mastaï Ferretti était né à Sinigaglia, petit port sur l’Adriatique, qui fait partie de la délégation pontificale d’Ancône, le 13 mai 1792. Dès que son élection fut connue, son histoire fut comme son éloge dans toutes les bouches. Issu d’une des plus honorables familles de sa province, il fut élevé au collège ecclésiastique de Volterre, où il séjourna de 1803 à 1809. Se trouvant à Rome en 1815, il fit, au mois de juin de cette année, pour entrer dans le corps des gardes nobles du souverain pontife d’alors, des démarches que l’état reconnu de sa mauvaise santé (il était sujet à des attaques d’épilepsie) rendit inutiles. Se tournant alors d’un autre côté, il prit, au mois de mai 1816, l’habit ecclésiastique et s’adonna à l’étude de la théologie sous la conduite de l’abbé Graziosi, un des prêtres les plus instruits et les plus pieux de son temps. En 1818, il prêcha la mission à Sinigaglia, sa patrie, avec monsignor Odelscalchi, depuis cardinal. De retour à Rome, il demanda d’être ordonné prêtre et l’obtint, mais à la condition toutefois de ne célébrer la messe qu’en particulier et avec un assistant. Sa santé s’améliora pourtant bientôt de telle sorte qu’après avoir célébré sa première messe, le jour de Pâques 1819, il ne fut plus sujet au mal qui l’affligeait qu’à de longs intervalles. Nommé coadjuteur du canonicat de l’église de Sainte-Marie et directeur de l’hospice des enfans pauvres, il se fit remarquer dans ces fonctions par son exemplaire piété. En 1823, il quitta l’Europe et se rendit au Chili, en qualité d’auditeur, à la suite de monseigneur Muzi, vicaire apostolique, envoyé là pour régler quelques affaires du clergé, et non-seulement s’acquitta de sa charge, mais encore enseigna et propagea la foi catholique. De retour à Rome en 1825, il eut la direction de l’hospice apostolique de Saint-Michel, et s’y fit une telle réputation, qu’en 1827 Léon XII le nomma archevêque de Spolète. Grégoire XVI, en 1832, l’appela à l’évêché d’Imola ; il le fit cardinal en décembre 1840. Au mois de juin 1846, lorsqu’il devint pape sous le nom de Pie IX, il avait, comme on voit, cinquante-quatre ans, et il y en avait trente qu’il servait Dieu et les hommes dans les plus sublimes et les plus touchantes fonctions du sacerdoce, de l’apostolat et de la charité.

Cette vie de sacrifices était connue de toute la population des États Romains. Toute la population savait ou pressentait que le nouveau pontife n’avait pas vu sans douleur les longues souffrances de son pays. Sa clémence était, après sa piété, la plus publique de ses vertus. L’enthousiasme qui saluait en lui, avant même qu’il eût ouvert la bouche, le régénérateur des États de l’Église n’était donc ni prématuré ni illusoire.