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par une situation devenue telle que la culture du sol était abandonnée dans quelques parties du pays, et il analyse les grande mesures préventives consacrées par le statut du 4 août 1834. On avait tenté, sous Élisabeth, d’arrêter la mendicité en marquant les pauvres d’un fer rouge et en les mutilant dans leur corps. On imagina, sous Guillaume IV, d’arrêter le flot montant du paupérisme en transformant les malheureux en forçats et en les torturant dans les plus saintes affections de la nature. Les workhouses furent substitués aux potences, et l’on espéra réprimer la misère par l’une des plus hardies atteintes qui aient jamais été décrétées contre la liberté et la moralité humaines.

Cependant les mœurs ne pouvaient supporter de telles lois, et l’opinion publique, soulevée par la presse, par la tribune, par la chaire, par les meetings, eut bientôt transformé les nouvelles lois des pauvres en ne leur laissant qu’une existence nominale. Le workhouse a perdu aujourd’hui sa physionomie terrible, et le régime intérieur, devenu des plus comfortables, n’a plus rien qui effraie personne ; on s’y précipite avec un empressement égal à celui qu’on mettait naguère à l’éviter, et l’économie tend à se changer en un surcroît de dépenses. Aussi est-on contraint de revenir à l’ancien mode, c’est-à-dire au secours à domicile sans travail. Douze années ont suffi pour briser ces lois de fer : après avoir ouvert une enquête solennelle chez toutes les nations du globe, assisté à d’interminables débats parlementaires, après avoir dépensé des sommes immenses en constructions et constitué une vaste administration tout entière, l’Angleterre de 1832 se retrouve encore aux statuts d’Élisabeth !

L’ouvrage que j’essaie d’apprécier établit que nulle part en Europe la condition des pauvres n’est aussi digne de pitié que dans les états protestans où le système de l’assistance légale est entré assez profondément dans les mœurs pour en arracher complètement l’habitude de l’aumône en faisant de celle-ci un délit. Telles sont certaines parties de la Suisse et de l’Allemagne. L’Angleterre est une contrée trop religieuse pour n’être pas, sur ce point-là, inconséquente avec son déplorable principe. Aussi la charité volontaire s’y exerce-t-elle avec une libéralité dont le chiffre dépasse, d’après les économistes, celui de la taxe légale, de telle sorte que l’une comble incessamment le gouffre creusé par l’autre. Mais c’est dans la triste Irlande qu’on voit à nu et d’un seul coup d’œil toutes les conséquences qu’ont entraînées pour les masses populaires les spoliations du XVIe siècle et la fondation d’un établissement ecclésiastique où l’esprit de famille est substitué à la paternité catholique. On a entassé des volumes pour résoudre le problème du paupérisme irlandais. Les uns ont discuté sur le mode de culture ou l’absence de capitaux, les autres sur l’absentéisme ou le système des middlemen : il était une explication beaucoup plus simple à donner de