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n’avait point quitté le territoire de ses pères était la plus faible. C’est sur elle que vinrent s’exercer les premiers pillages des Huns dans la vallée du Rhin. Au moment où l’on s’y attendait le moins, les villages burgondes étaient brûlés, les moissons enlevées, les femmes traînées en captivité ; puis le roi Octar, qui dirigeait ces pillages, partait pour reparaître bientôt après. Les Burgondes essayèrent de résister et furent battus. Ils obéissaient alors à un gouvernement théocratique, composé d’un grand-prêtre inamovible, appelé siniste, et de rois électifs et amovibles à la volonté de l’assemblée du peuple, ou plutôt à celle du grand-prêtre. L’armée burgonde éprouvait-elle un revers, l’année était-elle mauvaise et la récolte gâtée, quelque fléau naturel venait-il frapper la nation, vite elle destituait des rois qui n’avaient pas su se rendre le ciel favorable : ainsi le voulait la loi. On pense bien que, dans la circonstance présente, les Burgondes n’épargnèrent pas leur roi ; mais ils firent plus, ils cassèrent leur grand prêtre. Après en avoir mûrement délibéré, ils résolurent de s’adresser à un évêque romain pour obtenir, par son intermédiaire, le patronage du grand Dieu des chrétiens, car ils soupçonnaient leurs divinités de faiblesse ou d’impuissance contre la race infernale qui les attaquait. L’évêque consulté (on croit que ce fut saint Sévère de Trèves) leur répondit que le moyen d’obtenir ce qu’ils demandaient, c’était de recevoir le saint baptême « Demeurez ici, leur dit-il, vous jeûnerez pendant sept jours ; je vous instruirai et vous baptiserai. » Le septième jour, il les baptisa. Le narrateur contemporain de qui nous tenons ces détails semble insinuer que ce fut tout le peuple des Burgondes transrhénans qui reçut ainsi le baptême, chose peu probable, si l’on examine les circonstances : il y a plus de raison de croire que ceci se passa entre l’évêque et les principaux chefs au nom de tout le peuple et en quelque sorte par procuration pour lui. Quoi qu’il en soit, le moyen réussit. Cuirassés dès-lors contre les démons, les Burgondes se crurent invincibles ; ils attaquèrent à leur tour et taillèrent en pièces les Huns avec trois mille hommes seulement contre dix mille. Le roi Octar, qui sortait d’une orgie la veille de la bataille, étant mort subitement pendant la nuit, les Burgondes virent dans cet événement comme dans l’autre la main du nouveau Dieu qui les protégeait : les Burgondes de la Gaule étaient déjà chrétiens.

Cet Octar dont nous venons de parler était frère de Moundzoukh, père d’Attila ; il avait deux autres frères, Oëbarse et Roua, chefs souverains comme lui, de sorte que cette famille, issue du sang royal, tenait sous sa main la majeure partie des hordes hunniques. Roua surtout était un chef capable et décidé. Par sa liaison avec le patrice romain Aëtius, qui avait été son otage, il était parvenu à mettre le pied dans les affaires intérieures de Rome d’une façon plus qu’incommode