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journaux, par exemple, qu’on suivait après 1848 avec une sorte de frénésie, on s’en occupait surtout durant la semaine et pendant les heures de repos. Cette lecture tenait alors une large place dans la vie et entretenait dans les ames une émotion qui s’est peu à peu ralentie d’elle-même. Il y eut à cette époque un moment d’égarement qui fut suivi de regrets dont le temps a mis la sincérité hors de doute. En dépit des suggestions des sectes socialistes, le mouvement qui s’est opéré dans les esprits durant ces dernières années a été en définitive de plus en plus favorable aux idées d’ordre et de plus en plus rassurant pour la société.

Tout aussi compacte que les groupes de Munster et de Guebwiller, le clan de Wesserling s’en distingue par quelques traits essentiels. On dirait qu’en séparant par des murailles presque infranchissables ces diverses agglomérations, les montagnes ont fait de chacune d’elles un petit monde à part qui garde son individualité, tout en recevant le souffle d’une même civilisation. Ce qui frappe à Wesserling, ce n’est plus le patronage des chefs planant au-dessus de toutes les institutions locales comme à Munster ; ce n’est plus la participation immédiate des ouvriers à la conduite de leurs intérêts comme à Guebwiller : c’est l’effort accompli en vue de renouveler le caractère d’institutions anciennes et de les approprier aux tendances qui se sont produites de notre temps. Cette intention éclate dans un document curieux adressé par les chefs de l’usine en 1848 à la fameuse commission du Luxembourg. Certes, si cette commission avait voulu rester un comité d’enquête au lieu de se transformer en comité d’organisation, elle aurait pu puiser d’utiles enseignemens dans les faits rapportés par des hommes pratiques et dans des moyens consacrés par une expérience de plus de vingt-cinq ans ; mais le Luxembourg ne voyait dans les épreuves du passé qu’un vaste thème pour une critique acerbe et implacable.

Le clan de Wesserling, qui réunit plus de trois mille ouvriers et d’où dépend la destinée d’au moins dix à douze mille personnes, est assis au milieu de la vallée de Saint-Amarin, une des plus vastes de la chaîne des Vosges, qui renferme une douzaine de villages entre des monts de mille à douze cents mètres de haut. Exclusivement adonnée aux industries textiles, à la filature et au tissage du coton ou de quelques articles mélangés, à l’impression sur des tissus divers, la population ouvrière de Wesserling tient au sol, comme celle de Munster et de Guebwiller, par des racines profondes. Ainsi pas ou presque pas de mobilité dans le personnel, et quelques mécaniciens attachés au service des appareils à vapeur viennent seuls du dehors.

Parmi les institutions organiques de ce clan, celles dont le caractère est le plus singulier se rapportent à l’épargne, à l’assistance mutuelle et aux subsistances. Une caisse d’épargne particulière à l’éta-,