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du corps, si le père ne confessait pas à l’heure même à quel usage et à quel but étaient destinées ces cent livres d’or. Vigilas, voyant son fils sous les épées nues, devint comme fou, et, tendant ses bras supplians tantôt du côté des bourreaux, tantôt du côté d’Attila, il criait d’une voix déchirante : « Ne tuez pas mon fils, mon fils ignore tout ; il est innocent, et moi je suis le seul coupable. » Alors il déroula de point en point la trame ourdie entre Chrysaphius et lui, comment l’idée de l’assassinat était venue au grand eunuque et avait été approuvée d’Édécon, comment l’empereur en avait fait part à ses conseillers et comment lui, Vigilas, à l’insu du reste de l’ambassade, avait été chargé de préparer l’exécution du complot, son entrevue avec Édécon le jour de son départ et tout ce qui s’était passé à Constantinople. Pendant qu’il parlait, Attila l’écoutait avec l’attention d’un juge et comparait dans ses souvenirs les détails qu’il entendait de la bouche de cet homme avec les révélations que lui avait faites Édécon, et il resta convaincu que l’interprète disait la vérité. S’adoucissant peu à peu, il commanda de lâcher le fils et de tenir le père en prison jusqu’à ce qu’il eût disposé de son sort, de quelque manière que ce fût. On chargea de chaînes Vigilas et on le traîna dans un cachot. Quant au fils, Attila trouva bon de le renvoyer à Constantinople chercher une seconde fois cent livres d’or. « Obtiens cette somme, lui dit-il, car c’est le prix des jours de ton père, » et il fit partir en même temps que lui Oreste et Esla chargés d’instructions particulières pour l’empereur.

Ils arrivèrent à l’audience de Théodose, qui connaissait déjà par le bruit public la déconvenue de ses projets, et n’attendait pas sans anxiété le nouveau message du roi des Huns. Les envoyés se présentèrent au pied de son trône dans l’accoutrement le plus singulier, mais auquel personne n’osa trouver à redire. Oreste portait pendue à son cou la même bourse de cuir dans laquelle les cent livres d’or avaient été renfermées, et Esla, placé près de lui, après avoir demandé à Chrysaphius s’il reconnaissait la bourse, adressa ces paroles à l’empereur : Attila, fils de Moundzoukh, et Théodose sont tous deux fils de nobles pères ; Attila est resté digne du sien, mais Théodose s’est dégradé, car, en payant tribut à Attila, il s’est déclaré son esclave. Or voici que cet esclave méchant et pervers dresse un piège secret à son maître ; il ne fait donc pas une chose juste, et Attila ne cessera point de proclamer hautement son iniquité qu’il ne lui ait livré l’eunuque Chrysaphius pour être puni suivant ses mérites. »

On ne s’attendait pas cette conclusion. Théodose avait pu se résigner à toutes les humiliations que son crime découvert pouvait faire pleuvoir sur lui ; mais les eunuques n’étaient point décidés à se laisser enlever le pouvoir, ni Chrysaphius à livrer sa tête : tout fut donc en rumeur dans le palais. Ce qui préoccupa surtout l’empereur, ce fut de