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si nous continuons à substituer l’instruction à l’éducation et le pharisaïsme aux bonnes nouvelles du royaume de Dieu… J’ai l’espérance que ce livre appellera l’attention d’hommes meilleurs et plus sages que moi sur les questions qui agitent les esprits des générations qui s’élèvent et sur l’absolue nécessité de les résoudre rapidement et ardemment, à moins que nous ne préférions voir la foi de nos pères crouler sous l’influence combinée de nouvelles vérités qu’on se figure inconciliables avec elle et de nouvelles erreurs touchant son essence véritable. Je crois que l’ancienne croyance, l’Évangile éternel, subsistera immuable, étendra ses conquêtes et prouvera sa puissance dans ce siècle comme elle l’a fait depuis dix-huit cents ans, en régularisant, subjuguant et organisant ces jeunes forces anarchiques qui, maintenant sans conscience de leur origine, se révoltent contre celui à qui elles doivent leur être. »

C’est en effet dans le scepticisme des nouvelles générations qu’est le mal véritable, non-seulement en Angleterre, mais sur tout le continent. Que les générations près de disparaître ou déjà vieilles s’obstinent dans leurs préjugés et leur impénitence, peu importe après tout, pourvu que l’avenir ait encore des promesses, et que toutes les espérances ne soient pas fanées dans leur fleur ! M. Kingsley cite cette parole d’un Allemand : « Dans un pays, à quelque moment qu’on le prenne, ce sont toujours les opinions des hommes au-dessous de vingt-cinq ans qui sont destinées à un règne prochain. » On ne saurait donc trop s’inquiéter de ces opinions. À proprement parler, elles sont toujours invincibles et destinées à triompher ; mais les générations antérieures n’en ont pas moins une grande tâche à remplir c’est de les diriger, de les limiter et de les corriger, en les rendant conformes aux lois éternelles du monde. Elles ne doivent pas être effrayées, et, doivent savoir discerner sous ce nouveau costume les anciennes vérités qu’elles-mêmes ont pratiquées. D’autre part, elles doivent corriger l’infatuation intellectuelle des nouvelles générations, en leur enseignant qu’elles n’apportent point de révélations, et que les astres qu’elles se vantent d’avoir découverts sont les mêmes qui éclairaient leurs pères. Mais qu’arrivera-t-il si les anciennes générations ont laissé s’éteindre en elles le sentiment de ces éternelles vérités, si, ayant trouvé une société et un monde tout formés, elles n’ont songé qu’à recueillir les fruits et à moissonner là où leurs pères avaient semé, si elles ont oublié qu’elles devaient préparer le sol pour les générations suivantes, comme leurs pères l’avaient fait pour elles-mêmes ? Alors il y aura un brusque temps d’arrêt dans le travail des sociétés : les forces qui étaient faites pour les entretenir se disperseront et deviendront des forces anarchiques. Chacun travaillera pour soi ; l’âpreté, la rapacité et une sorte de violence morale deviendront les caractères des esprits de ces temps. Cependant les nouvelles générations