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en obtenant délai sur délai, du bénéfice des accidens. Son langage au milieu de ces manœuvres était agressif, belliqueux, passionné, confiant. Voici, par exemple, comment il finissait son discours sur la seconde lecture du bill : « Je me rappelle que le secrétaire d’état (sir James Graham), en 1841, reprocha au noble lord (lord John Russell) et à ses anciens collègues d’avoir exalté le peuple, et les compara à des pirates qui, plutôt que de rendre leur navire et leur commandement, avaient mis le feu aux poudres. Je demanderai à mes très honorables amis qui siègent sur le banc de la trésorerie ce qu’ils pensent d’eux-mêmes maintenant ? Ne sont-ils pas des pirates aussi ? N’ont-ils pas pillé les doctrines, les argumens et les discours de la ligue contre les lois-céréales ? Mais je ne peux vous faire ce compliment, de dire que vous possédez le courage diabolique des pirates, — que, plutôt que de vous rendre, vous couleriez bas le navire. Je ne puis dire non plus que vous vous êtes maintenus sur votre embarcation aussi long-temps qu’il vous a été possible de la tenir à flot. Non ; vous avez abandonné votre navire dans les ténèbres de la nuit, vous qui vous étiez engagés à le ramener sauf dans le port. Vous l’avez conduit sur une côte exposée au vent, et vous l’avez laissé au milieu des écueils. Vous l’avez placé sous le feu du canon des batteries ennemies, tandis que votre fidèle équipage dormait dans ses hamacs. Vous avez démantelé votre navire, — vous, le capitaine et le lieutenant, le maître d’équipage et le second, — vous avez démantelé le navire et volé le compas ; vous vous êtes furtivement esquivés dans la chaloupe, et vous avez déserté à l’ennemi, espérant que votre brave équipage serait une proie facile pour ceux qui viendraient l’aborder ; mais vous avez jugé du courage de l’équipage d’après la poltronnerie de votre propre cœur, et, bien que nous ayons eu un moment de confusion, nous ne nous sommes jamais découragés, — nous sommes revenus d’un ébranlement temporaire. Nous saurons tirer le bon navire de la côte battue du vent, et nous le conduirons sain et sauf au port et au pays ! » Le projet du ministère n’eut cette fois que 88 voix de majorité.

Il y eut, dans ce second débat, un curieux intermède dont la portée ne fut pas bien saisie sur le moment. Nous le mentionnons parce que les conséquences politiques qu’il devait avoir ne commencent que maintenant à se produire. Lord Palmerston était alors dans le parti whig, qui demandait l’abolition absolue des droits sur l’importation du blé. Pourtant, à la fin d’un discours qui avait fait pâmer d’admiration les libres échangistes, il plaça cette déclaration imprévue en faveur d’un droit fixe sur l’importation du blé : « Je crois, dit-il, qu’il n’y a pas de raison pour que la liberté du commerce en matière de grains ne soit pas aussi avantageuse au pays que la liberté du commerce pour toute autre marchandise ; mais, par liberté de commerce,