Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/819

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je n’entends pas nécessairement et,dans tous les cas un commerce affranchi des droits de douane. Nous sommes obligés, comme je l’ai déjà dit, de lever un revenu annuel considérable, et nous devons en conséquence supporter de lourdes taxes. Le système d’impôt le plus doux et le plus raisonnable, pour obtenir une grande partie de ce revenu, est l’impôt indirect, ce qui implique la nécessité des droits de douane. Par conséquent, lorsque je parle de commerce libre, je n’entends pas un commerce libre des droits imposés dans l’intérêt du revenu, et qui, afin de répondre à leur but, doivent être assez modérés pour ne point paralyser ou empêcher les transactions commerciales. Donc mon avis a été et, je l’avoue, continue à être encore qu’il n’y a pas de raison pour que le commerce du blé fasse, sous ce rapport, une exception au commerce en général. Je suis pour un droit fixe modéré. Mes nobles et honorables amis, qui siègent près de moi, ont été aussi de la même opinion, et, permettez-moi de dire que cette opinion n’a pas été adoptée par nous, comme le disait la nuit dernière le noble lord (lord George Bentinck), lorsque le dernier gouvernement était, suivant son expression, in articulo mortis ; elle remonte à 1839, époque où nous n’avions aucun motif de nous attendre à la fin prochaine de notre carrière officielle. Je dis donc que mon désir eût été d’obtenir un droit fixe peu élevé sur l’importation du blé. Je pense qu’un droit de 4 ou 5 shillings n’élèverait pas sensiblement le prix du blé dans ce pays, qu’il ne pèserait à personne, qu’il produirait un revenu dont la somme ne serait point à dédaigner, et que, chose plus importante, il nous mettrait à même d’accomplir une grande transition d’une façon moins blessante pour les sentimens et les préjugés d’une classe considérable. »

À l’instant où lord Palmerston achevait de prononcer ces paroles, le représentant d’un district de Londres, qui avait fort applaudi jusque-là, se tourna stupéfait vers son voisin et lui dit à haute voix : « Il vient de gâter un discours capital. Qu’est-ce qui l’a poussé à proposer un droit fixe ? » Sagace représentant métropolitain ! observe M. Disraeli dans son livre ; comme si le capital speech avait été fait pour autre chose qu’amener précisément la déclaration qui vous parut si malencontreuse ! — Les discours aussi ont leur diplomatie. Déjà lord Palmerston, plongeant un regard exercé à travers les élémens troublés de la chambre des communes, avait pressenti l’importance que les tories reprendraient dans un prochain avenir, et il jetait prudemment dans leur jardin une pierre d’attente. Depuis, il est arrivé deux choses. D’abord les tories se sont emparés de la suggestion de lord Palmerston, et si jamais ils rétablissent un droit sur le blé, lord Stanley a déclaré que ce serait ce droit fiscal modéré de 4 ou 5 shillings par quarter. Ensuite, il y a huit jours de cela, lord Palmerston a culbuté le ministère whig, qui l’avait congédié ; la reine a chargé le même lord