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Les articles 2, 3 et 4 du récent décret tranchent la question en ces termes : « L’autorisation est accordée, soit à des sociétés d’emprunteurs, soit à des sociétés de prêteurs. » — « Les sociétés sont restreintes à des circonscriptions territoriales que le décret d’autorisation déterminera. » — « Les sociétés de crédit foncier ont le droit d’émettre des obligations ou lettres de gage. » Cette rédaction laisse désirer quelques éclaircissemens. L’exposé des motifs, qui n’a pas encore été publié, ou des instructions subséquentes nous apprendront sans doute si plusieurs sociétés, soit d’emprunteurs, soit de prêteurs, pourront exercer concurremment dans une même localité, ou si chacune d’elles aura un privilège exclusif.

Le facile escompte des lettres de gage est la condition suprême du succès. Quand il suffira d’envoyer à la Bourse les coupons de rentes hypothécaires pour les convertir en espèces, la conquête du crédit foncier sera faite. Tout serait perdu, si les nouveaux titres n’étant pas soutenus dès leur première émission, subissaient une défaveur marquée. En vue de cette alternative, tous les gouvernemens ont pris des mesures, dès le début, soit pour neutraliser l’hostilité des spéculateurs à une réforme qui exclut l’usure et l’agiotage, soit pour laisser aux petits capitalistes le temps de s’accoutumer à un nouveau genre de placemens. Nous avons vu qu’en Prusse l’état a doté les banques foncières à leur origine. En Bavière, on leur a donné le privilège d’émettre pour une somme limitée des billets que les caisses publiques reçoivent au pair. En France, « l’état et les départemens faciliteront les premières opérations des sociétés, en achetant une certaine quantité de lettres de gage (article 5 du décret). »

Il n’est pas inutile de signaler ici en quoi consistaient les amendemens introduits dans le projet de 1850 par la commission qui avait M. Chegaray pour organe. Bien que l’espèce de garantie offerte alors par l’état ne fût pas compromettante pour le trésor, la commission de l’assemblée législative aurait voulu, pour l’honneur du principe, éviter jusqu’à l’apparence d’une intervention de l’autorité dans une entreprise particulière. C’était donc pour dégager entièrement la responsabilité du trésor que la commission, d’accord en cela avec le conseil d’état, avait proposé de combiner avec le projet du gouvernement deux autres projets émanant de l’initiative parlementaire, ceux de MM. Loyer et Martin (du Loiret). À côté des caisses établies sur le type prussien, simples agences de garantie, ne donnant aux emprunteurs que du papier négociable, on aurait autorisé des espèces de banques aptes à prêter de l’argent en faisant l’escompte des obligations hypothécaires. Les unes, celles de M. Loyer, munies d’un capital fourni par des actionnaires, étaient destinées à prêter d’abord des espèces sur hypothèques ; puis elles auraient émis et négocié elles-mêmes à la Bourse des lettres de gage pour une somme égale à la totalité