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et de bonheur sur les Barbares de l’Europe non romaine, Genséric le tentait pour les Barbares cantonnés dans l’empire ; il avait entrepris de les réunir tous en un seul corps soumis à une même discipline politique, à une même communion religieuse, l’arianisme, et toujours prêt à soutenir, pour toute chose et en tout lieu, le drapeau barbare contre le drapeau romain. Pour la réussite de ce projet, il avait marié son fils Huneric à la fille de Théodoric, roi des Visigoths ; mais, ne rencontrant point dans cette alliance les avantages qu’il en avait espérés, il prit sa belle-fille en haine : un jour, sur le simple soupçon qu’elle avait voulu l’empoisonner, il lui fit couper les narines, et la renvoya, en Gaule, à son père, ainsi horriblement défigurée. Réfléchissant alors aux conséquences d’un pareil outrage et ne doutant point que, pour se venger, Théodoric ne formât contre lui quelque ligue avec les Romains, il rechercha l’alliance d’Attila. De riches présens le firent bien venir du roi des Huns. Comme deux éperviers qui accommodent leur vol pour fondre ensemble sur la même proie, ils se concertèrent pour assaillir l’empire romain à la fois par le nord et par le midi. Genséric projetait déjà sans doute cette descente en Italie qu’il exécuta quatre ans plus tard ; Attila se chargea des Visigoths et de la Gaule.

D’autres raisons engageaient encore le roi hun à porter la guerre au midi du Rhin. Le chef d’une des principales tribus frankes établies sur la rive droite de ce fleuve, dans la contrée arrosée par le Necker, était mort en 446 ou 447, laissant deux fils qui se disputèrent son héritage, et divisèrent entre eux la nation. L’aîné ayant demandé l’assistance d’Attila, le second se mit sous la protection des Romains. Aëtius l’adopta comme son fils, suivant une pratique militaire alors en usage, et qui nous montre déjà au Ve siècle les premières lueurs de la chevalerie naissante ; puis il l’envoya, comblé de cadeaux, à Rome, vers l’empereur, pour y conclure un traité d’alliance. C’est là que Priscus le vit. « Aucun duvet, dit-il, n’ombrageait encore ses joues ; mais sa chevelure blonde flottait en masses épaisses sur ses épaules. » Aëtius, on peut le croire, parvint sans peine à installer son protégé sur le trône des Franks du Necker ; mais le frère banni ne cessa point d’aiguillonner l’ambition d’Attila, au succès de laquelle il attachait lui-même son triomphe. Ainsi tout concourait à pousser le roi des Huns vers la Gaule, et les exhortations de Genséric, et les instances du prince chevelu qui devait lui livrer le passage du Rhin, et jusqu’à celles du médecin Eudoxe, cet odieux chef de bagaudes qui lui promettait d’autres fureurs pour servir d’auxiliaires aux siennes. Sous l’empire de ces nouvelles préoccupations, il oublia pour la seconde fois sa fiancée, et prit vis-à-vis de l’empereur Valentinien ce langage doux et humble dont celui-ci craignait de savoir la cause.

Il ne tarda pas à la connaître. Attila l’informa par un nouveau message