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de la duchesse d’Orléans, qui lui dit : « Signor cavaliere Paisiello, j’ai beaucoup entendu parler de vous et de votre musique depuis que je suis au monde. Quel est celui de vos opéras que vous estimez le plus ? — Altesse royale, je ne saurais dire si c’est le Barbier de Séville, le Roi Théodore ou bien la Nina. » Et en prononçant ce dernier nom, Paisiello fondit en larmes. En sortant de chez le prince, Paisiello s’écria en dialecte napolitain : « Que je suis malheureux ! si ce prince était le roi, je retrouverais certainement ma pension. — Mannaggia la mia sorte ! se chisto principe fosso lo re, io recuperarei sicuramente la mia pensione. »

Céleste Coltellini, qui a créé les rôles de la Cuffiara, de la Molinara et de la Nina, a été la cantatrice favorite du musicien le plus suave de la vieille école napolitaine. Mon imagination, ravie par le chef-d’œuvre du maître, me représente cette femme charmante, qui a excité l’enthousiasme des juges les plus difficiles, dans un lointain prestigieux, au milieu d’un monde choisi, qu’elle ravissait par la douceur de sa voix, par la vivacité et le naturel de son jeu, par l’expression de son style élégant. Je la comparerais volontiers à ce qu’a été de nos jours Mme Pasta, moins le casque de Tancrède et le cri de Desdémone. Il me semble la voir accoudée à la fenêtre de son joli moulin, la tête ornée d’une fleur qui se penche galamment sur l’oreille, le regard distrait et attendri, et chantant, au déclin du jour qui l’éclaire d’un rayon mélancolique, cette mélodie touchante qu’elle a inspirée à Paisiello, et qui exprime si bien la tristesse d’un cœur délaissé :

Nel cor pin non mi sento
Birillar la gioventù,
Amor, del mio tormento,
Amor, sei colpa tù !


P. SCUDO.