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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 mai 1852.

Les opinions politiques, les partis en France étaient arrivés dans ces dernières années, il faut bien le dire, à un tel excès de décomposition et d’anarchie, qu’il a été facile de les disperser en un instant comme une armée confuse, où chefs et soldats ne savent plus d’où ils viennent, où ils vont, ni à quels signes se reconnaître. Serait-il exact d’en conclure que ces partis et ces opinions ne représentent rien dans le pays, n’ont point leurs racines dans le sol national et leur place dans la vie commune ? Dans leur essence, au contraire, ils sont l’expression des tendances multiples, des diverses traditions qui sont les élémens mêmes de notre organisme social et politique ; mais leur faute et leur malheur, ç’a été de se créer une vie factice, des intérêts arbitraires, des habitudes plus brillantes que solides, de se risquer, eux et ce qu’ils représentaient, dans mille aventures compromettantes, de se faire mutuellement des guerres désastreuses, pour finir par n’avoir plus à opposer au péril commun qu’une autorité morale mise en suspicion par eux-mêmes et des forces divisées. Nous revoyons point en quoi il pourrait être utile de s’avouer discrètement que c’est à force de sagesse, d’habileté et de prudence, que la fortune des partis politiques a si singulièrement tourné parmi nous. La question, l’unique question aujourd’hui, c’est de savoir, non pas si les partis renaîtront et comment ils renaîtront, ce qui serait la plus puérile des préoccupations, mais comment les diverses fractions de la société française, qu’on a coutume d’identifier avec certaines opinions, doivent se conduire, comment elles peuvent trouver leur place, leur juste part d’influence et d’action dans les conditions nouvelles. À vrai dire, si nous vivions dans un pays où l’esprit politique exerçât tout son empire, cette question n’en serait point une. Le propre de l’esprit politique, c’est de se rapprocher sans cesse de la vérité des choses, de se conformer à la, réalité, de compter avec le possible et de mesurer son action aux imprescriptibles nécessités de chaque jour. C’est surtout quand un parti agit comme parti qu’il est le plus tenu d’avoir quelque peu de cet esprit politique. Dans notre malheureuse et spirituelle patrie, on excelle trop souvent à multiplier les embarras