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désirer qu’elle fût poussée bien avant. Comptant parmi leurs chefs les plus grands et les plus riches seigneurs du pays, ceux qui, à raison de leur fortune et de leur existence territoriale, recueillaient en effet les avantages les plus directs de quelques-uns des vices principaux de l’organisation électorale, ils n’eussent pas voulu qu’on y portât de trop fortes atteintes. Pour les contenter, et sinon pour satisfaire complètement l’opinion publique, du moins pour la disposer à une longue patience, il eût suffi de porter la cognée sur quelques abus vraiment trop choquans, de priver du droit électoral, comme on l’avait fait en d’autres temps, certains bourgs qui en avaient trop scandaleusement trafiqué, qui s’étaient laissé prendre trop maladroitement en flagrant délit, et de transférer la franchise dont on les eût ainsi dépouillés à Liverpool, à Manchester, à quelques-unes de ces grandes et riches cités qu’on s’étonnait de voir encore exclues de toute action politique.

Des propositions furent faites dans ce sens. La chambre des communes, le ministère même, n’y étaient pas absolument contraires ; mais la chambre des lords, décidée à les repousser, triompha sans peine des faibles velléités réformistes des deux autres branches de la législature. Une résistance systématique contre toute tentative de cette nature était devenue la base de la politique du parti tory ; la portion même de ce parti qui, sous la conduite de Canning, avait fini par comprendre, à d’autres égards, la nécessité de faire des concessions aux idées nouvelles, qui, par exemple, se déclarait en faveur de l’émancipation des catholiques, ne voulait entendre parler d’aucune modification à apporter au mode d’élection de la chambre des communes. Aux partisans du suffrage universel ou de toute autre innovation radicale qui se plaignaient que, dans l’état actuel de cette chambre, on ne pouvait la considérer comme représentant véritablement la nation, Canning répondait que le jour où il serait possible de dire qu’un des trois pouvoirs la représentait en effet, la constitution britannique serait renversée, parce que ce pouvoir emporterait tout par son poids ; à ceux qui, moins absolus, se bornaient à signaler les vices trop saillans du système électoral et à demander qu’on les corrigeât, il disait que les diverses parties de ce système ne devaient pas être considérées isolément, qu’elles constituaient un ensemble dont les défauts réels ou apparens se compensaient, se corrigeaient les uns les autres, qu’à tout prendre il en sortait une assemblée dans laquelle les intérêts essentiels du pays étaient tous représentés, et qui de façon ou d’autre ouvrait ses portes à tous les talens, à toutes les capacités, avantages que n’offrirait peut-être pas au même degré une chambre des communes organisée plus régulièrement, d’après des principes plus spécieux, mais non encore sanctionnés par l’expérience. Il y avait dans de tels argumens une assez forte part de vérité pour que les hommes