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Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 14.djvu/1149

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de s’y maintenir à tout prix. Il en est deux pourtant qui paraissent trouver grace à ses yeux, lord Grey et lord Brougham. Je crains bien qu’en ce qui concerne ce dernier, M. Roebuck n’ait puisé ses motifs d’indulgence dans les défauts même qui ont trop souvent paralysé les grandes facultés de l’ancien chancelier, dans la bizarre indépendance d’esprit qui ne lui a jamais permis de s’assujétir complètement à la discipline d’un parti, dans les boutades qui parfois l’ont emporté passagèrement vers le radicalisme, — en un mot dans les circonstances même qui ne lui ont pas permis de remplir complètement la brillante carrière ouverte devant lui il y a vingt ans. Quant à lord Grey, le plus exclusif des oligarques, malgré la hardiesse de son libéralisme, le whig par excellence dans le sens que ce mot avait à la fin du dernier siècle, il faut croire que l’originalité simple et fière de cette grande figure aristocratique a exercé sur l’imagination de M. Roebuck une fascination qui, par une heureuse inconséquence, l’a entraîné à admirer le type le plus complet du parti même qu’il poursuit sans cesse de ses accusations ou de ses insinuations plus que rigoureuses.

Arrivé au terme de son travail, l’auteur, s’élevant, dans un élan de patriotisme, au-dessus des préventions passionnées qui en ont malheureusement dénaturé quelques portions, résume en ces mots l’histoire de la grande lutte qu’il vient de raconter : « Ainsi fut emporté le bill de réforme, exemple à jamais mémorable dans l’histoire de notre constitution de la puissance de l’opinion publique, du caractère pratique de notre peuple, de ce respect si remarquable pour la loi et pour les formes constitutionnelles que toutes les classes éprouvent parmi nous. D’une part, la patience et en même temps l’inébranlable résolution du peuple, son désir d’éviter autant que possible tout appel à la force et de n’avoir recours qu’aux moyens constitutionnels pour atteindre le but qu’il avait en vue, sont également dignes d’admiration ; de l’autre côté, la retraite finale des pairs, leur résignation, forcée sans doute, mais, après qu’ils eurent pris leur parti, franche, complète, exempte de toute hésitation, au sentiment populaire, ne peuvent être trop louées. Après une telle expérience, nous ne devons jamais désespérer d’être en mesure d’obtenir tous les changemens vraiment avantageux que peuvent appeler nos institutions par des moyens pacifiques et légaux. »

Quant à la portée et aux conséquences du bill de réforme, voici le jugement qu’en porte M. Roebuck, après avoir exprimé le regret que, dans les circonstances où il fut voté, on n’ait pu lui donner un caractère plus démocratique : « Quoi qu’il en soit, dit-il, nous devons avouer loyalement qu’il y a, dans l’histoire du genre humain, peu d’exemples d’un aussi grand changement constitutionnel accompli avec si peu de dommage matériel ou moral pour le peuple pour qui et par qui il a été fait. Que les whigs en masse aient cherché autre