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en Portugal. La vie politique du vieux maréchal portugais compterait une évolution nouvelle ; dans celle-ci du moins, le pays pourrait voir la chance de se rapprocher de plus en plus des conditions d’ordre et de régularité qui peuvent lui permettre de réparer les désastres de ses dernières révolutions.

Dans l’Europe orientale, les intérêts politiques prennent volontiers la couleur religieuse. Deux questions de ce genre mixte occupent en ce moment les esprits en Grèce et en Turquie. Comme les dieux d’Homère qui combattaient derrière les guerriers de leur prédilection, la Russie apparaît derrière les personnages ou les partis qui sont les promoteurs de ces agitations.

En Grèce, les orthodoxes, très hostiles au roi catholique, ont pris les rapports de l’église nationale avec le patriarche de Constantinople pour thème d’une violente opposition. Dans l’église d’Orient, la liturgie et l’administration ecclésiastique ne sont point réglées avec cette unité rigoureuse qui assure tant de majesté et de force à l’église catholique. La suprématie du patriarche de Constantinople, repoussée par plusieurs églises de la communauté grecque, à la tête desquelles se distingue l’église russe, n’est que nominale sur les autres. On conçoit que le gouvernement hellénique ait tenu à soustraire l’église nationale à l’action immédiate de ce patriarche, nommé par la Turquie et d’ordinaire agent trop docile de la politique russe. Un arrangement négocié en 1850, entre le patriarcat de Constantinople et la Grèce, est donc venu consacrer l’indépendance de fait dont l’église hellénique jouissait déjà. Néanmoins le parti russe, qui craint sans doute que ce malheureux royaume de Grèce ne goûte les bienfaits de l’ordre et de la paix, saisit avec empressement cette occasion de faire appel au fanatisme des populations ignorantes, trop portées déjà à la défiance envers un souverain coupable à leurs yeux de n’avoir point abjuré sa foi catholique. Les accusations du parti orthodoxe sont si peu fondées, que le parti national, exagérant de son côté ses tendances, adresse au gouvernement grec des reproches absolument opposés : il le blâme sévèrement de n’avoir point montré assez de fermeté vis-à-vis du patriarche de Constantinople, et de n’avoir point exigé de ce pontife l’indépendance de l’église grecque purement et simplement, sans conditions. De là une agitation non moins vive que celle qui a été suscitée par les orthodoxes en sens contraire. Le débat ne reste point circonscrit dans les hautes régions de la théologie et de la politique ; il trouble dès à présent des deux côtés les plus humbles consciences. Les croyances catholiques du roi sont un grief pour les uns comme pour les autres. Le parti national ne s’aperçoit point assez des services qu’il rend à la Russie en joignant à cet égard l’expression de ses regrets aux déclamations des orthodoxes.

Les bruits depuis quelque temps répandus en Turquie sur un revirement qui serait survenu dans l’affaire des lieux saints révèlent suffisamment les efforts tentés par la Russie pour diminuer l’importance et l’étendue des concessions faites par le divan à la France. Ils témoignent aussi des difficultés dont la question reste entourée et de la nécessité où l’on est de se contenter de solutions qui ne sont qu’à demi satisfaisantes. Les chrétiens grecs connaissent tous les avantages qu’ils ont sur les catholiques d’Orient. Non-seulement les schismatiques possèdent une population sédentaire infiniment supérieure à celle des Latins à Jérusalem, comme dans le reste de l’empire, mais le nombre de pèlerins fervens que l’église grecque envoie chaque année à Jérusalem est hors de toute proportion avec quelques touristes, catholiques de