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nom, qui vont à de rares intervalles y promener leur curiosité érudite ou leur désoeuvrement. Chez les religieux grecs de la Terre-Sainte, l’argent afflue d’ailleurs de toutes parts, du mont Athos, des principautés danubiennes, où de riches monastères sont institués en vue de cette œuvre - de la Russie, où la piété des fidèles et la politique du gouvernement ne reculent point devant des sacrifices qui ne sont pas inutiles à l’ambition du pays. Les chrétiens grecs, avec le sentiment de ces avantages et l’impulsion que la Russie leur imprime, ne peuvent accepter de plein gré l’arrangement conclu entre la Turquie et la France à Constantinople : ils s’agitent, ils font jouer toutes les influences dont ils disposent avant que cet arrangement ait reçu son application. Rien n’autorise à penser que les concessions faites récemment au protectorat français seront remises en question par le divan ; mais il est impossible que de nouvelles difficultés ne renaissent pas dans l’avenir, et toujours plus menaçantes pour les Latins. Une seule solution aurait quelque chance d’être définitive : ce serait le rapprochement des deux églises. Pour l’espérer, il faut ignorer l’acharnement avec lequel elles se combattent jusqu’au sein de ces sanctuaires, les plus imposans du monde chrétien, si souvent profanés par leurs altercations et quelquefois ensanglantés par leurs rixes.

Aux États-Unis, on n’en a pas encore fini avec Kossuth. Le tribun hongrois médite, dit-on, de revenir en Europe ; au moins a-t-il menacé les Yankees de son départ. La grande république a besoin plus qu’aucun autre état de nouveauté, il lui faut toujours un lion. Kossuth s’est trouvé tout disposé à jouer ce rôle : on l’a laissé faire ; mais, triste retour des choses d’ici-bas, l’enthousiasme excité par le dictateur hongrois a moins duré que l’enthousiasme inspiré par le rossignol suédois, et l’on a même pu croire que Mile Lola Montès, météore d’un moment, allait le faire oublier tout-à-fait. Il est triste pour un homme politique de s’avouer qu’on partage l’enthousiasme d’un peuple avec une cantatrice ou une baladine. Il a pu aussi reconnaître trop tard que ses triomphes avaient surtout pour but de contenter la vanité de l’Union ; les citoyens de New-York, de Boston et de Philadelphie se sont servis de lui pour se montrer eux-mêmes, pour se donner en spectacle et dire au monde : « Nous sommes un peuple redoutable. » Kossuth a donné dans tous les piéges que lui tendait la naïveté rusée des Américains ; il n’a pas su comprendre qu’aux États-Unis il devait y avoir involontairement du calcul et de l’analyse même dans l’enthousiasme. Aussi a-t-il fait sottise sur sottise, et si son départ n’est pas aussi prochain qu’il l’annonce, sa tournée peut se terminer par quelque scandale. Quoi qu’il en soit, ce voyage a déjà produit ses résultats politiques, et l’on a pu voir récemment, par le départ de M. Huselmann et la lettre qu’il a écrite au président avant de quitter l’Union, que les blessures faites à l’amour-propre de l’Autriche saignent toujours, et que les paroles imprudentes de M. Webster ne sont pas oubliées.

Le congrès s’est un peu moins préoccupé de politique d’intervention depuis les dernières mésaventures de Kossuth, et cela lui a valu d’agiter plusieurs questions dont quelques-unes intéressent l’Europe autant que l’Amérique telle est la question de la subvention à accorder à la ligne de paquebots connue sous le nom de ligne-Collins, qui fait le service de l’Atlantique entre l’Amérique et l’Angleterre. Ce n’est pas la bonne volonté qui manque au congrès