Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 14.djvu/1230

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
1222
REVUE DES DEUX MONDES.

d’après les mêmes principes qu’un roman ou un mélodrame, où l’art, et non la vérité, est la principale affaire ;

« Attendu que si les actes du magistrat comme ceux de tout autre fonctionnaire public appartiennent à la critique, c’est à la condition que cette critique s’exercera avec mesure et convenance ;

« Attendu que tel n’est pas le caractère de la critique à laquelle Mérimée s’est livré ; que l’article incriminé ne saurait donc être considéré comme ne constituant qu’une simple appréciation critique d’actes et de documens émanés de la justice ; qu’examiné dans ses termes, dans sa forme et dans son esprit, il présente évidemment, notamment dans les passages sus-énoncés, tous les élémens constitutifs du délit d’outrage public envers des fonctionnaires de l’ordre judiciaire à raison de leurs fonctions ;

« Attendu que l’article rectificatif que Mérimée a fait paraître dans le numéro de la Revue des Deux Mondes du 1er  de ce mois, et les explications qu’il a présentées depuis devant le juge d’instruction, et qu’il a renouvelées et complétées à l’audience, ne peuvent qu’atténuer et non faire disparaître le délit qui lui est reproché ;

« Attendu que de Mars, comme gérant, est légalement responsable des articles qu’il publie ; que d’ailleurs il reconnaît lui-même qu’il a pris connaissance dudit article avant la publication, et qu’il en a même corrigé les épreuves ; que les outrages que cet article renferme n’ont pu lui échapper ; qu’il doit dès-lors subir les conséquences de la publicité qu’il a consenti à lui donner ;

« Attendu que de tout ce qui précède il résulte que de Mars, gérant de la Revue des Deux Mondes, en publiant l’article dont il s’agit, a commis le délit prévu et puni par l’art. 6 de la loi du 25 mars 1822,59 et 60 du Code pénal ; vu également l’art. 463 du Code pénal en ce qui concerne de Mars ;

Condamne Mérimée à quinze jours d’emprisonnement et à 1,000 francs d’amende ;

« Condamne de Mars à 200 francs d’amende ;

« Ordonne que le présent jugement sera inséré dans la Revue des Deux Mondes dans le délai et dans les formes prescrits par l’art. 14 du 9 juin 1819 ; « Fixe, en ce qui concerne Mérimée, la durée de la contrainte par corps à une année,

« Et les condamne tous deux solidairement aux dépens. »

Maintenant que nous avons rempli l’obligation que nous a imposée la justice, elle nous permettra d’ajouter, après comme avant le jugement, que nous avons toujours professé le plus grand respect pour la magistrature française, et que jamais nous n’avons eu l’intention de l’offenser. Nous serions désolés qu’on nous pût croire capables de commettre le moindre outrage envers les personnes, à plus forte raison envers les corps constitués.V. de MARS.



V. de Mars.