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L’esprit et les tendances de l’école d’économie politique dominante aujourd’hui chez elle sont par ce côté encore choses dignes d’être observées. Les théories, bonnes ou mauvaises, sont toujours la raison profonde des faits. Quelquefois elles en sortent, quelquefois, quoique plus rarement, elles les déterminent ; mais, pour qui sait y lire, elles en contiennent toujours le secret. Le rapport de la doctrine économique aujourd’hui régnante en Angleterre avec le caractère général de la crise également économique où ce grand pays défend avec un si admirable courage l’avenir de sa fortune n’est pas inopportun à rechercher. Tous ces motifs ont fait penser qu’il y aurait un intérêt à la fois scientifique et pratique, très général et très présent, à soumettre les maximes et les conclusions de l’école économique anglaise à un examen approfondi, examen dans lequel on se proposerait de juger la valeur philosophique du système de cette école, de découvrir ses raisons d’origine, d’apprécier enfin ses conséquences et sa portée.


I

Le premier mouvement de l’esprit, lorsqu’il arrive en face d’un système, est d’en comparer les règles avec les procédés du sens commun. L’épreuve est décisive pour les systèmes. Aussi leurs auteurs la redoutent-ils extrêmement. Cette épreuve est aussi légitime cependant qu’inévitable : ce n’est pas à la nature de plaider sa cause, ce n’est pas au bon sens de disculper ses croyances ; mole sua stant : c’est aux théories qui s’écartent des voies du bon sens et de la nature à donner les motifs de leur hasardeuse innovation. C’est toujours un préjugé fondé contre elles en effet, contre la sûreté de leurs principes et la certitude de leurs conclusions, que de les voir ainsi sortir de la grande route de l’esprit humain. Ce préjugé, elles peuvent le dissiper, quelques-unes l’ont fait avec gloire ; mais il faut qu’elles le dissipent : jusque-là tout le monde est admis, élevant la voix de la raison générale, à demander un compte sévère du mépris que l’on fait de ses indications. Telle est la condition de l’école économique anglaise. Dès ses premiers mots, elle choque l’esprit en substituant à l’idée naturelle et claire que chacun se forme du caractère et de la mission de l’économie politique une idée artificielle et obscure, qui, pour se faire accepter, a besoin de se justifier, et, pour se faire comprendre, de s’expliquer.

Toute science emploie pour parvenir à sa fin, dans la sphère où elle se meut, une méthode qui lui est tracée par la nature même des objets auxquels elle s’applique. Si ces objets sont de l’ordre purement intellectuel et que les rapports qui les enchaînent entre eux ne puissent être découverts que par la réflexion, c’est la méthode de raisonnement qu’il convient de leur appliquer : tels sont le nombre, l’étendue, le mouvement ; telles sont l’algèbre, la géométrie, la mécanique, qui en